Talents

Un moment de complicité entre Lili Barbery et Lisa Gachet

Retrouvez dans cet article, un extrait de notre revue numéro 17, une édition spéciale où la talentueuse Lisa Gachet fait rayonner les femmes de sa galaxie créative. Aux côtés de Lisa, Lili Barbery choisit des cartes qui, une fois retournées, révèlent des mots auxquels l’autrice et créatrice épicurienne donne tout leur sens.

Le 1 décembre 2025

©Jeanne-Perrotte-lisa-gachet-lili-barbery-les-confettis

CHEMINEMENT

Lili : Ça commence fort, c’est une notion qui résonne en moi ! Le cheminement, c’est le sujet d’une vie, j’ai l’impression ! (Rires) C’est un mot qui correspond bien à la vision que j’ai de ma vie professionnelle notamment, qui avance au fil des rencontres et apprentissages. J’aime l’idée qu’il puisse ne pas y avoir de point final ni d’objectif absolu, car le sens se trouverait justement dans le voyage, dans le cheminement, dans le présent.

AUTHENTICITÉ

Lili : Je crois que l’authenticité a guidé toute ma vie jusqu’ici. Quand j’étais petite, on me reprochait d’être trop franche et finalement, je n’ai jamais perdu ce trait de caractère. Au contraire, c’est même devenu une philosophie. Je suis incapable de mentir et j’essaie même de cultiver cette notion d’authenticité à la manière d’un rayonnement. À travers les méditations que je propose, j’encourage justement à cheminer vers cette authenticité, vers soi-même, quitte à être surpris par qui on est au quotidien. Pour autant, cette authenticité nécessite un entourage qui accepte l’honnêteté et la fluctuation. Entretenir une relation authentique, c’est accepter l’autre dans ses humeurs et sans son masque social.

SENS

Lili : Encore une notion très importante à mes yeux, car il s’agit d’une véritable clé de lecture. Parmi les apprentissages du yoga, il y a cette reconnexion au corps sensible, c’est-à-dire que, par le corps, il est possible de détecter les émotions véritablement ressenties. Or comprendre comment le corps manifeste les émotions aide à mieux raisonner. Quand on se sent dépassé par une situation et que l’on a perdu la capacité de structurer nos pensées, il est bon de se demander : « qu’est-ce que je ressens, là ? » Entamer ce diagnostic peut permettre à l’orage en l’esprit de se dissiper au profit d’une meilleure compréhension des choses qui nous traversent. Ça te met en état de métacognition.

Lisa : Comment cultives-tu cela au quotidien ? De mon côté, j’ai tendance à remarquer trop tard que les choses m’ont atteinte et c’est parfois la santé qui me rattrape.

Lili : Il s’agit d’abord d’être attentive à soi. L’urgence du quotidien rend cet exercice difficile, mais si l’on se demandait chaque matin au réveil « qu’est-ce que je ressens dans mon corps ? », ce serait déjà un bon début. Le corps sensible nous permettrait sûrement alors de prévisualiser la manière dont on va accueillir la journée qui s’annonce. L’observation d’un mal de ventre, d’une raideur musculaire peut ainsi nous mettre sur la piste d’émotions à l’endroit même où la pensée se dérobe. On a l’habitude de se demander « comment ça va ? », mais beaucoup plus rarement « qu’est-ce que tu ressens ? ». J’utilise beaucoup cette manière de communiquer avec ma fille, qui est adolescente d’ailleurs. Cela permet d’exprimer, de verbaliser plus de choses tout en renforçant le rapport au corps comme guide et allié de soi.

ÉQUILIBRE

Lili : L’équilibre, c’est ce à quoi j’aspire de façon durable, mais c’est assez rare. Je peux connaître quelques secondes, quelques minutes d’équilibre, cependant il y a toujours des dynamiques qui me sortent de cet état et, inlassablement, mon défi sera d’y revenir. C’est un mouvement perpétuel de balancier qui donne lieu à de courts instants d’harmonie. À ce moment-là, c’est l’expérience du plaisir.

AMUSEMENT

Lili : L’humour est une ressource fondamentale pour moi. L’autodérision me permet
notamment de dépasser les situations difficiles que l’époque nous sert sur un plateau !

SIMPLICITÉ

Lili : Ce thème, j’y réfléchis beaucoup. Je souhaite aller vers plus de simplicité, mais pour moi, cette simplicité ne rime pas forcément avec minimalisme. Cela veut dire se rapprocher de ce qui est joyeux et essentiel pour moi. Dernièrement, une architecte d’intérieur est venue dans mon appartement, car j’ai pour projet de refaire la cuisine. Elle m’a exposé des idées géniales, mais je craignais que sa projection ne me permette plus de caser toutes mes affaires. En ouvrant un tiroir, elle m’a dit en souriant « avez-vous un projet avec toutes ces baguettes en bois ? » (Rires). Je travaille donc là-dessus, je ne souhaite pas que les choses que j’aime soient noyées dans une accumulation encombrante pour l’espace et l’esprit, bien que je ne sois pas minimaliste.

ÉNERGIE

Lili : Mon énergie est liée à mon inspiration. J’ai besoin de me sentir inspirée, j’ai besoin de cultiver ma curiosité. Si je n’apprends rien de nouveau, j’ai moins d’énergie. Si je m’ennuie, je n’ai plus du tout d’énergie. Dans mon quotidien, les jours se suivent et ne se ressemblent pas exactement, car le changement est fondamental pour moi. Nous partageons cela toutes les deux, d’ailleurs.

Lisa : Une coach me disait que l’on a tendance à conditionner l’énergie au principe de récompense : « Quand j’aurais fait ça, je m’offrirais ça. » Or pour réaliser ce que l’on souhaite réaliser, mieux vaudrait que l’on se récompense durant l’effort, afin que la joie et la satisfaction soient vectrices d’énergie, justement.

Lili : Tout à fait. Il s’agit peut-être de réapprendre à prendre soin de nos besoins. Je donne beaucoup pendant les retraites et événements que j’organise. Et j’ai compris que pour pouvoir être vraiment présente et généreuse, il fallait absolument que j’aie pris soin de moi avant. J’ai mis en place de nouveaux protocoles. Par exemple, je me fais masser quand j’arrive, et à la fin du séjour. Je ne recherche pas le soin luxueux ou élaboré, simplement quelque chose qui va me faire du bien pour que je puisse à mon tour transmettre cette énergie bienfaitrice. J’ai longtemps cru que je pouvais être bienfaisante pour les autres bien qu’épuisée, et ce n’est pas le cas.

SAGESSE

Lili : Cela m’inspire moins, car j’ai l’impression que c’est un mot trop lourd pour moi. Récemment, on m’a posé une question sur ma raison d’être ou mission de vie et j’avoue que c’est assez loin de ma manière de penser, car le sens peut toujours se révéler a posteriori. La sagesse, j’adore la voir émerger de l’inattendu. Pour moi, elle vient assez rarement de ceux qui portent les vêtements des sachants. Elle peut, d’un seul coup, jaillir lors d’une conversation entre inconnus dans un troquet. Tu attrapes une phrase au vol et ça résonne comme un signe. Si je devais trouver la sagesse dans mon fonctionnement, elle résiderait peut-être dans ce besoin que j’ai d’aller au bout de certaines discussions avec des personnes qui ne partagent pas les mêmes idées et valeurs que moi. J’ai besoin de créer des terrains d’entente, non pas dans l’objectif de faire changer l’autre d’avis, mais pour comprendre et espérer que l’on soit tous liés à ce fil conducteur humain : aimer, être aimé, vivre en paix. Je me rattache vraiment à ça. Je n’ai pas toujours l’énergie pour cette entreprise, mais je la trouve salutaire.

PRÉSENCE

Lili : Au départ, quand j’ai lancé mon podcast, il s’appelait Pleine Présence. Je suis attachée à ce thème, car il est vecteur d’une certaine magie. Plus que de temps, je parle de qualité de présence. Quand, en famille, on éteint le téléphone pour se consacrer à cet instant présent, c’est d’une saveur incroyable. Et c’est valable pour le travail également.

VULNÉRABILITÉ

Lisa : Il est bien, celui-là ! Ça me touche beaucoup, car j’ai compris que plus je me montrais vulnérable devant mon équipe, plus ça renforçait sa confiance en moi. Montrer une certaine faillibilité, partager ses craintes, cela permet à l’altruisme et à l’indulgence d’intégrer ce relationnel professionnel.

Lili : Complètement, cela casse la relation pyramidale. D’un seul coup, ça permet aussi peut-être à chacun d’avoir un espace de vulnérabilité et de ne pas faire semblant devant toi. Et la vulnérabilité n’est pas du tout incompatible avec l’autorité ou l’action. Simplement, partager nous rappelle que nous avons tous un fil conducteur humain, encore une fois.

TRANSFORMATION

Lili : Je fais un parallèle entre ce mot et le mot « mutation ». Force est de constater que je fais partie de ces gens qui ont besoin de se réinventer, de se transformer. Et ce, bien malgré moi. J’aurais adoré ne pas être inscrite dans cette dynamique de cycles qui me fait tout changer plus ou moins soudainement. J’ai longtemps été contente d’être journaliste et puis, un jour, je n’ai plus du tout été bien. J’ai été attachée de presse et, de la même manière, d’un seul coup, l’événementiel m’est devenu insupportable. J’ai toujours démissionné facilement, même de ma propre entreprise : je ne compte pas le nombre de fois où j’ai modulé ses activités. En ce moment, je sens que je suis dans cette phase de transition.

Lisa : Qu’imagines-tu pour la suite ?

Lili : J’ai envie de réconcilier plein de choses que j’aime. Je me questionne sur la manière de faire cohabiter le yoga et l’art de vivre dans un projet composite qui me corresponde et m’épanouisse.

Lisa : Peut-être que cela inclut le développement de produits ou d’objets…

Lili : Peut-être de jolies lectures, oui. Mais pour le moment, je ne suis pas arrêtée sur la tournure que doivent prendre les choses.

LÂCHER- PRISE

Lili : Quel thème, celui-là ! Je réalise actuellement un grand travail intérieur pour justement trouver un équilibre entre la maîtrise des choses, le « directionnement » du fameux cheminement dont on parlait tout à l’heure et cette envie de me laisser davantage surprendre par la vie. Si je pose un regard rétrospectif sur mes façons d’être, je remarque que j’ai beaucoup alterné des périodes de contrôle très « vissées », très rigides et des périodes dans l’extrême inverse où je négligeais presque mes propres besoins. Dernièrement, j’ai passé plusieurs jours à Marseille et je me suis autorisée à laisser des espaces vides dans mes journées pour que l’inattendu y trouve une résonance. Je suis allée rejoindre quelqu’un pour nager en pleine mer de façon imprévue, c’était tellement agréable ! Ces rencontres plus spontanées créent une forme de joie très durable, très transformatrice. J’ai envie de vivre ça davantage.

Lisa : Le parfait mot de la fin ! (Rires)

www.lilibarbery.com

Retrouvez l’intégralité de cet échange entre Lili Barbery et Lisa Gachet dans le Volume 17, édition spéciale de notre revue Les Confettis.

Crédit Photo en Une ©Jeanne Perrotte