Dans les cabanes, avec la Famille Cherokee
Charline et Kares, en compagnie de leur famille, nous emmènent dans une exploration émouvante des cabanes à travers la France, en quête de connexion avec la nature. Leur aventure, à retrouver dans ce premier ouvrage "Cabane{s}", dévoile non seulement la splendeur et la diversité des habitats qu'ils ont découverts, mais aussi les histoires touchantes des individus qui les ont créés. Échange.
Pourquoi ce nom, La Famille Cherokee ?
Kares : Il y a plusieurs raisons à cela. Il paraît évident que le modèle de voiture dans lequel nous roulons depuis l’été 2020 a influencé le pseudonyme de notre famille. La Jeep Cherokee est un 4×4 de légende qui nous a souvent fait rêver quand nous la croisions dans le désert omanais. Je parcourais les petites annonces sur LeBonCoin durant le confinement et j’ai trouvé exactement celle qui nous conviendrait. Mais plus que l’appropriation du nom d’un célèbre peuple autochtone d’Amérique du Nord, que l’on a communément mais maladroitement appelé « Indiens » durant des siècles, c’est un état d’esprit que nous véhiculons à travers cette appellation. C’est celui des nomades, du voyage, de la liberté, des soirées auprès d’un feu en pleine nature. Tout est né avec la naissance de notre fils. Nous l’avons pris comme un grand jeu, avec nos propres règles, pour faire face à l’enfermement du confinement.
Expliquez-nous cette passion des cabanes.
Kares : Nous avions déjà eu l’occasion de louer des cabanes bien avant de nous y consacrer à plein temps. Depuis 2015, elles étaient des lieux de rendez-vous où nous nous retrouvions avant ou après un voyage. Nous sommes tous les deux des amoureux de ce type d’habitat, fragile et éphémère ; et puis elles ont toujours été une bonne excuse pour s’isoler en pleine nature. En janvier 2021, en plein hiver, après le deuxième ou le troisième confinement, je ne sais même plus tant il y en a eu, j’ai proposé à Charline de faire le tour de France des cabanes en imaginant en faire un livre. Elle a réuni ces notes et nous avons mis trois mois pour nous organiser. Heureux d’avoir trouvé un nouveau sujet alors que je sombrais dans une déprime latente.
Comment avez-vous sélectionné les cabanes et les régions à visiter ?
Charline : Il faut savoir que je collectionne tous les ouvrages sur les cabanes depuis fort longtemps, je les annote, corne des pages, y colle des post-it soit pour m’en inspirer soit en me disant « un jour on ira… ». C’est valable pour les livres mais aussi pour les revues, les magazines et surtout depuis cinq ans : Instagram. J’ai donc une note dans mon téléphone avec tous ces lieux, en France comme à l’international, et une carte Google remplie de lieux à découvrir. Il nous a suffi de piocher dedans. Une fois la liste établie, il a fallu les classer avant d’imaginer des tournées à travers la France. Nous étions ensuite dépendants des invitations de nos hôtes, une sacrée organisation à la limite du casse-tête chinois pour s’éviter des aller-retours depuis chez nous mais aussi des kilomètres inutiles entre les départements. On les a regroupées en fonction des régions mais également des saisons pour obtenir une homogénéité dans l’histoire que l’on voulait conter. Et puis on a démarré la voiture.
Quels étaient les défis auxquels vous avez dû faire face pendant ces trois années ?
Charline : Changer de rythme de vie. Tous les événements de ces trois dernières années se sont déroulés en cascade, l’un déclenchant le suivant et ainsi de suite. Mon premier défi fut celui de devenir parent, dont j’avais quelque peu sous-estimé la responsabilité que cela induirait. Puis le deuxième fut de quitter un job confortable pour me retrouver sans « rien », si ce n’est des idées à mettre en œuvre. Quant au troisième défi, ce fut d’accepter la contrainte d’avoir moins d’argent, ce qui m’a amenée à consommer différemment. C’est le cumul de ces trois défis qui nous a conduit à voyager autrement, une sorte de « voyager moins loin mais voyager mieux ». On est sur un défi d’éco-responsabilité globale pour lequel on s’autorisera quelques failles dans le futur.
Parmi tous les propriétaires de cabanes, quelle est l’histoire qui vous a le plus marqué ?
Charline : Loïc du Grand Ballon m’a émue en me racontant ses récits de voyage en Antarctique, accompagné de sa femme alors enceinte de 7 mois. Déjà, rien que la localisation au Pôle Sud ! Je sais que je n’irai jamais, donc ça reste de l’ordre du fantasme, je laisse cela aux chercheurs, aux explorateurs, moi la simple touriste. Mais de surcroît, le périple était dingue, embarquer à bord d’un bateau depuis le sud de la Patagonie pour rejoindre ce continent blanc, traverser une tempête avec les remous qu’on s’imagine, envisager un accouchement à bord (spoiler alerte : ce n’est pas arrivé), la folie. C’était le tsunami dans ma tête en l’écoutant, ma propre maternité m’a rapprochée de ce genre d’histoire. C’est son anecdote de vie qui m’a marquée, plus que la raison qui l’a amené à construire ses cabanes dans le massif des Vosges. Je pourrais aussi citer Jérôme des cabanes de Roquefort, Alexane & Felix des Cabottes, Bruno de la Hût du Larzac, Augustin de Youza, Bertrand du Bois Landry, Thomas des Échasses, et la soixantaine de femmes et d’hommes que nous avons rencontrés qui ont pris un virage à 180° en quittant leurs vies d’antan pour vivre autrement. Je suis admirative de tout leur parcours.
Comment avez-vous abordé la photographie de ce projet ? Avez-vous eu un thème ou une idée en tête ?
Kares : Je travaille comme un peintre et je réfléchi ma photographie de la manière la plus picturale possible. Pour cela je photographie indéfiniment les lieux, les portraits, les architectures jusqu’à ce que je sois comblé par la lumière, le cadrage, la texture et les couleurs. C’est presque obsessionnel. La seule chose que j’étais sûr avant de commencer était qui fallait beaucoup de paysages naturels pour « aérer » le sujet des cabanes. Le livre aurait été trop indigeste si j’avais composé les 368 pages qu’avec des habitats en bois. Ce qu’il y avait autour des cabanes m’intéressait parfois plus que la cabane en elle-même. Ce qui est d’ailleurs le plus impressionnant dans tout ce que l’on a pu voir durant ces trois années, c’est la faculté de l’Homme à penser son habitat en pleine nature. Nous avons été plus d’une fois subjugués.
Comment cette expérience a-t-elle changé votre regard sur la nature et la vie en général ?
Kares : Plus rien ne sera comme avant. Je parle pour nous, de notre famille. J’avais déjà l’espoir de quitter Paris et de me rapprocher de la nature avant la pandémie mondiale. Après une telle expérience de voyage, il est impossible de revenir à une vie citadine, en plein cœur de Paris comme on a connu durant 40 ans. Le but est de se rapprocher des Landes petit à petit et de se donner les moyens de vivre entre la forêt et la mer afin de prolonger le plus longtemps possible ce que l’on a commencé avec ce voyage au milieu de la nature de notre cher pays.
Y a-t-il des leçons environnementales que vous avez apprises ou que vous aimeriez partager ?Charline : Quand on parle d’environnement au sens premier du terme, c’est-à-dire observer ce qui m’entoure, j’ai appris à me délester de ce qui composait mon quotidien de citadine et qui était bien futile : réduire la surconsommation, alléger mes bagages, manger plus local, me déplacer en conscience. Ce processus est avant tout initié par la pandémie de 2020 qui a elle-même impulsé ce projet. De manière binaire, j’ai surtout appris des tas de choses que tous ceux qui ont grandi à la campagne connaissent et que ceux, comme moi, qui ont grandi en ville ignorent, pourtant si élémentaire. Je m’éduque au fur et à mesure des séjours, en assimilant le nom des oiseaux, les essences des arbres, les cycles de la nature. Je n’ai qu’un seul mot d’ordre : partons en nature dès que le temps nous le permet. Je ne parle pas de météo ou de saison, je parle du temps libre, celui qui passe. Enfilons les bons vêtements et sortons dehors. Mettons-nous au vert, au bleu, au rouge.
Retrouvez l’intégralité de cette discussion dans le Volume 15 des Confettis disponible en ligne.
Photo en Une : les cabanes Coucoo en Franche-Comté ©Kares Le Roy
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