Talents

Aventureuse
Dita Von Teese

Icône glamour, la fleur de l’effeuillage burlesque Dita Von Teese fait le show alors que sort son premier album et nous offre sa propre définition de la féminité et de la beauté. Une ode à l’unicité.

Le 18 juin 2018

Vous vous présentez comme une star burlesque. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce mouvement artistique ? Le burlesque était un type de spectacle qui était populaire en Amérique, des années vingt à la fin des années quarante. On y mettait en scène des danseuses, des comédiens et des chanteurs, mais les têtes d’affiche étaient les strip-teaseuses. Ces stars se déshabillaient seules, généralement accompagnées d’un groupe live et portaient des costumes sophistiqués. Leurs numéros étaient bien plus théâtraux que celui de la danseuse moyenne d’un club de strip-tease moderne. Il y a des stars majeures issues du burlesque, comme Gypsy Rose Lee, Sally Rand et Lili St. Cyr. De mon point de vue, le burlesque est revenu à la mode récemment – beaucoup de femmes étant devenues fans de ce mouvement artistique – parce que c’est un style amusant et réalisable à bien des égards, contrairement au style des icônes sexy mainstream, plus difficile à imiter… Par exemple, il est beaucoup plus facile de faire du burlesque en mettant de la lingerie et du rouge à lèvres écarlate que d’essayer de devenir une mannequin qui semble naturelle, courant sur la plage en bikini. Beaucoup d’entre nous ne peuvent pas se rapprocher de cet idéal moderne de beauté, alors que nous pouvons facilement nous habiller et être glamour ! Pour beaucoup de fans de burlesque, c’est devenu une source d’inspiration, une forme improbable de féminisme loin de ce que ce mouvement était, dans son âge d’or lors des années quarante. Lors de mes spectacles, près de 80 % de l’auditoire est composé de femmes, et nous avons une clientèle très diversifiée comprenant la communauté LGBTQ. Les gens viennent au spectacle et disent qu’ils n’ont jamais rien vu de tel dans leur vie : ils sont vraiment touchés. Nous avons des fans qui amènent leurs mères, leurs grands-mères… Je ne peux pas vous dire combien de fois j’ai rencontré trois générations de femmes venues voir le spectacle ensemble. Et nous rencontrons tant de couples reconnaissants d’avoir un endroit où ils peuvent voir un spectacle sexy mettant en scène une vraie diversité de beautés, de formes de corps, d’ethnicité et de sexe. Beaucoup se trouvent incités à aimer leur propre corps et à embrasser le glamour dans leur vie quotidienne. C’est une si belle expérience, et c’est ce qui me permet de continuer. Il faut le voir pour le croire, nous avons un public incroyable. J’ai hâte de commencer ma première tournée en Europe, cet automne, avec des arrêts à Paris et à Lyon.

Que signifie le mot « sexy » pour vous ? Et le mot « grâce » ? Être sexy, c’est une combinaison de confiance, de chaleur et de générosité conjuguées à d’autres qualités telles que l’intellect et un esprit ludique. La grâce m’évoque une attention particulière portée à la façon dont on parle, on marche, on se déplace.

Vous dites : « J’ai toujours essayé d’être ma propre œuvre d’art. » Que voulez-vous dire ? Je me suis auto créée. Je suis une blonde ordinaire originaire d’une ville agricole du Michigan, mais j’ai façonné un personnage visuel, un fantasme moderne inspiré par une autre époque.

Vous sortez votre premier album, éponyme, est-ce un moyen d’exprimer une nouvelle facette artistique ? Avez-vous l’impression d’avoir pris un risque ? C’est, pour moi, le moment de sortir de ma zone de confort et d’essayer quelque chose que je n’aurais pas fait en temps normal sans l’invitation de Sébastien Tellier. Je ne pense pas que ce soit dangereux : c’est aventureux. Je n’avais rien à perdre. Je pense qu’être universellement acceptable, c’est risqué d’être médiocre.

Quel pourrait être votre prochain défi ? Beaucoup de choses constituent de nouveaux défis pour moi ; même si j’ai de l’expérience dans un domaine, je ne me considère jamais comme une experte : il y a toujours un défi à relever. Au fond, chaque nouvelle scène que je crée pour mes spectacles recèle un nouveau défi.

Comme la musique de Sébastien Tellier, vous incarnez à la fois le passé mais aussi la modernité. Comment combinez-vous les deux ? Je ne veux jamais être une copie. Même quand je voulais être une pin-up de style vintage, j’ai toujours réfléchi à ajouter une touche de fraîcheur et de modernité à mon personnage. Dans mes spectacles burlesques, je suis convaincue que mes scènes sont très différentes de tout ce qui a jamais été vu par le passé. Je pense à la façon de capturer l’esprit du passé tout en le faisant évoluer pour créer quelque chose d’inédit. Je veux entrer dans les livres d’histoire, et je n’y arriverai pas en copiant ce qui a déjà été fait.

La féminité est très importante dans votre travail. Comment la définir ? Comment être sexy aujourd’hui ? J’aime explorer des choses qui pourraient avoir été perçues comme risquées et les présenter sous un autre angle. Pour mon spectacle itinérant The Art of the Teese, je présente des danseurs avec différents types de beautés, d’âges et d’ethnies ; le point commun à tous ces artistes talentueux et sensuels est leur grand sens de l’humour, un certain type de chaleur humaine et de capacité à créer un lien avec les autres.

Que pensez-vous de l’image de la femme dans notre société actuelle ? Vous considérez-vous comme une féministe dans votre approche ? Nous vivons dans une époque merveilleuse où il y a beaucoup d’idéaux de féminisme différents, voire contradictoires, sans règle générale. Nous devons simplement respecter les limites et les idéaux de l’autre plutôt que de nous juger les uns les autres.

Retrouvez l’interview dans sa totalité dans notre revue LES CONFETTIS Volume 4.

Propos recueillis par Perrine Bonafos – Photos Camille Vivier