Parcours

Maison Arbusta, nature intérieure par Anne-Sophie Breband

Aux commandes de Maison Arbusta, Anne-Sophie Breband fait entrer la nature dans nos intérieurs. L'ancienne consultante en communication s’est lancée dans la création d’arbres d’intérieur sur-mesure, à base de végétaux stabilisés. Un article signé Caroline Jacquier.

Le 21 juin 2024

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Des pièces uniques et raffinées, faites main et pleines de poésie : Anne-Sophie Breband raconte son parcours atypique et la découverte de sa passion, la création d’ambiances végétales dans son atelier de Lyon. Rencontre avec la créatrice de Maison Arbusta.

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© Maison Arbusta

Anne-Sophie, vous êtes née à Grenoble. Est-ce là-bas, aux pieds des Alpes, que vous avez développé ce goût pour la nature ? 
Pas vraiment à vrai dire ! (rires). J’ai toujours été très citadine. D’ailleurs, dès que j’ai pu m’éclipser, je suis partie faire mes études à Lyon puis à Toulouse : des villes où je pouvais étancher ma soif de culture.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ? De qui tenez-vous cette fibre artistique ? 
J’ai longtemps travaillé dans la communication, le e-commerce et le social media. En agence mais la plupart du temps comme indépendante. J’aime me sentir libre. La liberté, c’est le fil rouge de toute ma carrière, la valeur sur laquelle je n’ai jamais transigé. Et il est vrai que, petite déjà, j’avais cette fibre créative. J’ai toujours été très sensible et curieuse. J’aimais beaucoup l’art, la musique, la peinture. Encore aujourd’hui, je pourrais passer des heures à contempler Les Nymphéas de Monet.

Je me souviens qu’enfant, je m’amusais à créer des terrariums. C’est drôle de raconter ça, j’avais presque oublié. Cette sensibilité aux arts, je pense que je la dois à ma mère. Dès l’enfance, elle nous a donné le goût de la lecture, elle nous a fait courir les musées, les expositions. Elle a su aiguiser notre œil au beau. Elle aimait aussi beaucoup la décoration. Grandir en étant entourée de belles choses, cela façonne durablement. Pour autant, au moment du choix des études, je n’ai pas envisagé un seul instant un métier artistique.

Alors comment passe-t-on de la communication à la création végétale ? 
Durant ma première carrière, j’ai eu l’opportunité de travailler en France, au Canada puis à Londres où je suis restée six ans. C’est là-bas que le déclic a eu lieu. En 2015, je me baladais dans le quartier de Richmond, célèbre pour son jardin botanique et ses parcs. Je suis rentrée un peu par hasard dans la boutique de Zita Elze et ce fut un véritable choc esthétique. Son univers était à des années-lumière de la fleuristerie telle qu’on la connaît en France. Elle avait complètement scénographié son lieu, organisé les fleurs par couleurs, créé de véritables ambiances végétales. J’ai compris que l’on pouvait aisément allier design et nature à cet instant et l’idée m’a immédiatement emballée. 

Ce jour-là, nous avons beaucoup discuté Zita et moi. Originaire du Brésil, elle a longtemps été designer avant de se reconvertir dans les univers floraux. En me renseignant un peu plus tard, j’ai appris que son travail avait été maintes fois récompensé. Elle bénéficiait déjà d’une belle notoriété dans le monde entier et notamment en Corée où l’on voue un culte à la fleuristerie.  

Au cours de notre discussion, elle m’a glissé qu’elle proposait des formations au sein d’une académie. Je n’ai pas hésité une seconde et je me suis inscrite. S’en sont suivis des mois d’apprentissage passionnants puis Zita m’a gardée comme freelance pendant un an. Je partageais alors mon temps entre le marketing digital et les fleurs. Ensemble, nous avons mené des projets fous pour des hôtels, des défilés de mode, des mariages et des intérieurs époustouflants…J’ai énormément appris à ses côtés. 

Je n’ai pas pu concrétiser ce projet de complète reconversion immédiatement mais une graine avait été semée. 

Et justement quel est votre rapport à la nature, vous la citadine assumée ? 
Pour moi, la nature est comme un outil, un média au même titre qu’un instrument pour la musique. Elle me permet d’exprimer plus facilement ce que je ressens au fond de moi. Ce que j’ai immédiatement adoré dans l’univers de Zita, c’est cette nature travaillée sans jamais être dénaturée. Au contraire, avec elle j’ai appris à m’appuyer sur les imperfections, le côté parfois disgracieux de certaines essences de fleurs pour les sublimer. Le choix de l’arbre pour mes créations n’a rien d’anodin. Pour moi, l’arbre est symbole d’équilibre et de vie. Il est devenu, avec Maison Arbusta, un élément central de mon développement créatif. Une invitation à revenir au calme dans un monde où tout va très vite. 

Dans l’art, la peinture, la poésie ou le cinéma, l’arbre est omniprésent. Sans lui, on étouffe, dans tous les sens du terme. Je voulais donc mettre ma créativité au service du végétal et proposer une expérience décorative unique. 

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© Maison Arbusta

Comment est née cette idée d’arbre d’intérieur ? 

À notre retour en France, ma famille et moi avons déménagé dans un appartement, aux codes haussmanniens, avec une belle hauteur sous plafond. J’avais des envies de nature mais je voulais à tout prix éviter le sempiternel ficus qui prend la poussière. J’ai alors eu l’idée de créer une véritable sculpture végétale. Cet arbre, je le visualisais déjà dans mon esprit. Je suis allée couper un noisetier dans le jardin de mes parents pour en récupérer le tronc. Le ramener en plein centre-ville ne fut pas une mince affaire : nous l’avions sanglé sur le toit de la voiture. Arrivés en bas de notre immeuble, notre chargement suscitait le sourire des passants. Il a fallu s’armer de patience et attendre que le tronc sèche pour commencer la création à proprement parler. 

Je lui ai d’abord coulé un socle en béton. J’ai ensuite commandé mes branchages. Avec Zita, nous travaillions les fleurs fraîches alors que, pour ce projet, je voulais des fleurs séchées ou stabilisées. Il fallait tout repenser. Je me suis énormément documentée, notamment sur les procédés de stabilisation. J’imaginais quelque chose de graphique et de très élégant. 

Une fois mon premier prototype terminé, j’ai convié des amis pour recueillir leurs avis de façon informelle. Alba trônait au milieu du salon et je scrutais leurs réactions. J’ai récolté une majorité de retours favorables. L’idée de Maison Arbusta était en train d’éclore.  

Avez-vous immédiatement trouvé l’ADN de vos créations ? 
Après le premier prototype, mes choix se sont affinés. Nous étions en pleine période de confinement. J’ai passé deux ans à élaborer ma première collection de cinq arbres, chacun avec leur propre personnalité. Etant la seule à proposer ce type de créations, il me fallait des modèles pour permettre à mes futurs clients de mieux se projeter. À ce moment-là, j’ai défini un véritable cahier des charges car je ne voulais rien laisser au hasard. J’ai rapidement abandonné les fleurs séchées, bien trop fragiles, pour du stabilisé 100% naturel. Comme pour ma première création, je tenais à conserver l’aspect originel du tronc : cela implique un temps de séchage entre trois ou quatre mois, dans un hangar, la tête en bas. 

J’ai testé toutes sortes de colles. J’ai opté pour une méthode de stabilisation naturelle, par double immersion, plus onéreuse mais bien plus pérenne que la stabilisation par pulvérisation. L’immersion fige le végétal au moment de l’apogée de sa floraison, la glycérine remplace peu à peu la sève. Cela implique néanmoins que je sois soumise à une certaine saisonnalité mais j’aime ça. Dès le départ, j’ai voulu m’inscrire dans une démarche durable. Je travaille seulement avec des élagueurs de ma région. Je n’utilise aucun produit chimique. Mes arbres sont livrés sur un socle en acier brut non traité, réalisé par un ferronnier d’art du Sud de la France. Mes arbres ne réclament aucun entretien particulier et sont prévus pour durer longtemps. Plus qu’un objet de décoration, je souhaite proposer à mes clients une véritable expérience décorative. 

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© Maison Arbusta

À quoi ressemble votre intérieur ? 
C’est un savant mélange d’intemporels. Je mixe quelques pièces vintages à d’autres résolument contemporaines. J’aime les pièces fortes qui ont une histoire, ce supplément d’âme qui fait qu’on les conserve longtemps. Mon intérieur ne change que très rarement, justement parce que je suis attachée aux objets qui le composent. Je ne suis pas dans l’accumulation, j’évite les achats compulsifs. J’apprécie les ambiances épurées presque minimalistes. Je crois que cela se ressent dans mes créations.  

Pourquoi le nom Maison Arbusta ?
Pour le nom, je tenais absolument au terme «maison». Ce mot évoque immédiatement la maison de couture, le fait-main et le sur-mesure pour moi. Une certaine idée de l’artisanat aussi, ce qui me convient parfaitement. Je me ressens d’ailleurs davantage artisane qu’artiste : je compose mes arbres par petites touches, feuilles à feuilles. C’est un travail très délicat et minutieux. Quant à Arbusta, c’est tout simplement le mot latin qui a donné l’actuel terme «arbuste». J’aimais cette idée d’utiliser le latin pour évoquer les racines, de l’arbre bien sûr, mais aussi de nos langues. Comme un retour aux sources. 

On sent une vraie dimension philosophique dans vos créations. 
C’est volontaire ! En faisant rentrer la nature dans nos intérieurs, par le biais d’un arbre d’une taille certaine – le plus petit modèle mesure 1m80 -, j’invite mes clients à s’interroger sur nos modes de vie, la frénésie de notre quotidien. L’arbre possède une âme et il apporte une belle envergure aux intérieurs. Quand je livre mes créations, l’atmosphère change immédiatement. Je sens comme une résonance. Au-delà d’un objet de décoration, l’arbre est un vecteur universel de quiétude et de bien-être. 

De l’idée à la réalisation de vos créations, comment s’articule le processus créatif ? 
Plus que des arbres, j’aime créer de véritables atmosphères. Je me déplace chez mes clients pour m’imprégner de leurs intérieurs, des couleurs et des pièces fortes déjà présentes. Parfois, je travaille directement avec l’architecte d’intérieur qui me montre les moodboards préparés de son côté et nous en discutons ensemble. J’élabore ensuite un herbier avec l’alliance des feuillages que j’imagine pour le lieu. Souvent les associations plutôt audacieuses que je propose, surprennent de prime abord, mais à chaque fois, le résultat fait mouche. Quelquefois, pour une meilleure projection, il m’arrive de créer quelques branches «prototypes»

Une fois le budget validé, je me consacre à la composition, ma partie préférée. Je me laisse guider par ma créativité, le ressenti que j’ai eu lors de ma première visite. Les contraintes techniques ne m’effraient pas, bien au contraire, de mon point de vue, elles permettent l’audace et le dépassement de soi. 

Vous avouez volontiers avoir un tempérament un brin hyperactif. Pourtant, vos créations requièrent calme, patience et minutie. 
Oui mais ce n’est pas antinomique selon moi. Dans l’atelier, je me sens libre. Je pourrais y passer des heures sans voir passer le temps. Je suis à la fois dans le faire et dans l’imaginaire. C’est tout ce à quoi j’aspire aujourd’hui : être dans ma bulle créative. S’extraire de la frénésie ambiante pour créer du beau : c’est le cadeau que je m’offre. Avec Maison Arbusta, j’ai la chance de pouvoir donner une réalité à mes rêves. Quand j’ai une idée en tête, je vais chercher tous les moyens en ma possession pour pouvoir la rendre concrète. Je fonctionne à l’instinct et jusque-là mon intuition m’a rarement fait défaut ! (rires)

En juillet dernier, vous avez reçu un MIAW award décerné par le magazine D’A. Ce titre récompense les objets remarquables du design notamment. Qu’est-ce que cela a changé pour vous ? 
Ce fut une belle consécration alors que Maison Arbusta venait de souffler sa première bougie. Il est parfois difficile de prendre du recul sur ses propres créations, aussi j’étais à mille lieux d’imaginer faire partie des lauréats ! Cela m’a permis de faire de très belles rencontres, qui ont donné lieu à d’enthousiasmants projets à l’image de ce restaurant gastronomique aux Sables d’Olonne. Grâce à mon réseau de décorateurs et d’architectes d’intérieur, j’ai la chance d’avoir aujourd’hui de belles opportunités créatives.  

Le mot de la fin ? 
Le beau fait du bien. Il est source d’espoir et d’émerveillement et nous en aurons toujours besoin pour vivre !

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© Maison Arbusta

Cinq anecdotes sur Anne-Sophie Breband

Le meilleur conseil reçu : «Sois actrice de ta propre vie». Je m’efforce de l’appliquer au quotidien. 

Un livre de prédilection : «La couleur des sentiments» de Kathryn Stockett. Je l’ai lu adolescente, ce fut une vraie claque et une belle leçon de vie. 

Une chanson fétiche : «Résiste» de France Gall, une chanson qui m’accompagne aussi depuis l’adolescence. C’est mon hymne. 

Un compte Instagram à suivre : celui de Zita Elze bien sûr ! (@zita_elze)

Une seule série Netflix : je ne suis pas très série mais j’ai adoré The Crown.

www.maisonarbusta.com

Un échange réalisé par Caroline Jacquier, rédactrice invitée.
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