Talents

Dorothée Sartorius et Bilboquet, l’accord parfait

Attention, peinture fraîche ! La fondatrice de la marque de couleurs d’intérieur Bilboquet, Dorothée Sartorius, retrace sa quête d’harmonie entre quotidien de maman et entreprise en développement : un souhait de complémentarité plutôt que de contraste qui caractérise également la direction créative de son label gracieux.

Le 10 novembre 2025

dorothee-sartoris-bilboquetdeco-les-confettis

Dorothée, il est particulièrement pertinent de dire que le fil rouge de votre parcours est la couleur ! De vos débuts, quand vous chiniez et restauriez des meubles, notamment en les peignant, jusqu’à vos collections de peintures Bilboquet aujourd’hui, votre appétence pour la nuance a orienté votre itinéraire. Sauriez vous dire ce qui vous lie à la couleur ?
Je ne sais pas exactement d’où ça vient. Ce n’est qu’en posant un regard rétrospectif sur cette aventure entrepreneuriale et créative que je réalise, qu’effectivement, j’ai une sensibilité particulière pour la couleur. Quand je suis devenue maman de mes deux filles, j’ai ralenti pour embrasser ce nouveau chapitre de ma vie. J’ai commencé à peindre à la manière d’un loisir et, très naturellement, j’ai expérimenté différents mélanges de couleurs afin d’avoir des nuances idéales. Une chose en entraînant une autre, j’ai entrepris de chiner des meubles pour leur donner une seconde vie. Pour les habiller, j’allais en magasin de bricolage et j’achetais des peintures que je mélangeais pour, là encore, aboutir à une couleur qui me plaisait. À aucun moment, je ne me suis dit que cette quête de la couleur idéale et sur mesure pouvait représenter ma valeur ajoutée ou mon « petit truc à moi ». Pour autant, je recevais autant de demandes sur les meubles que sur les couleurs que j’élaborais. Puis, quand j’ai commencé à fatiguer de la logistique que la brocante de meubles représentait, mon mari m’a dit : « Et si tu imaginais ta propre marque de peintures ? » C’était il y a 5 ans, j’étais enthousiaste, mais je voulais absolument que ce soit compatible avec mon quotidien de maman, d’autant plus que nous avons eu deux petits garçons par la suite.

Pour vous, la perspective de l’entrepreneuriat n’était alors envisageable qu’à l’aune de votre vie de famille ?
Oui, la présence auprès de mes enfants a toujours été prioritaire et non négociable. Aussi, ce projet devait être soluble dans ces conditions pour voir le jour. C’était mon postulat de départ, mon prisme. Toute mon activité a été articulée autour de ça. Je voulais être rapidement sereine financièrement et que mes partenaires ne soient pas dépendants de moi au cas où il faille que j’arrête l’activité pour me consacrer à ma famille. Je ne voulais pas embarquer des gens sur mon bateau s’il venait à couler. Mais encore fallait-il trouver des partenaires qui jouent le jeu des quantités limitées et du développement à tâtons. J’ai eu la chance de rencontrer un fabricant spécialisé qui avait l’habitude de travailler avec des peintres et acceptait de s’engager sur des commandes resserrées. Grâce à ses connaissances et son expérience, je me suis orientée vers une composition écolabellisée et sans COV pour offrir le produit le plus qualitatif possible. J’ai ainsi composé une collection restreinte de 30 couleurs et nous avons fonctionné un jour après l’autre.

Au fil du développement de Bilboquet et de son évolution, comment maintenez-vous cet équilibre ?
Je fais des choix ! Il n’y a pas de secret. Il y a un an, j’ai décidé d’investir dans le développement de la marque afin de monter une nouvelle marche. Cependant, je l’ai fait en connaissance de cause. Seule aux manettes de l’entreprise et voulant aller chercher mes enfants à l’école, je devais nécessairement m’entourer pour faire grandir la marque. J’ai donc fait le choix de m’entourer d’agences et d’entrepreneurs indépendants pour m’accompagner, tout en gardant cette liberté à laquelle je tiens.
Cela représente un budget et ce sont toujours des ajustements quotidiens – parfois redondants – mais actuellement, c’est la formule qui me convient le mieux. Il est vrai qu’être une maman qui entreprend, ce n’est pas facile, le système est quand même un peu calibré pour que ce soit l’un ou l’autre.

Vous évoquez votre rôle de maman mais vous, quelle petite fille étiez-vous ? Étiez-vous déjà attirée par la création ?
J’étais une petite fille active et curieuse, mais je n’ai jamais développé de passion pour le dessin ou la peinture dans mon jeune âge. Mes parents ne m’ont jamais orientée dans ce chemin bien que ma famille compte de nombreux peintres et dessinateurs. En réalité, je n’ai appréhendé la dimension épanouissante de la créativité que plus tard. Je remarque, auprès de mes amies notamment, qu’il y a une crainte associée au fait de créer. Souvent, l’amusement que ça peut représenter, la sensation de bien-être que ça peut déverrouiller sont parasités par la peur d’une forme d’échec. J’essaie de faire comprendre à mes copines que l’essentiel n’est pas le résultat, mais l’expérience créative. On a le droit de gribouiller un truc sans que cela soit sujet au jugement. Mélanger des couleurs est une activité très méditative et à ce titre, comme d’autres expériences créatives, je pense que cela devrait être considéré comme une source d’équilibre, autant que le sport.

La notion d’amusement que vous convoquez ici émane aussi de votre marque, par son nom : Bilboquet. Qu’est-ce qu’il représente pour vous ?
Ce nom raconte quelque chose du chemin parcouru dans cette aventure, finalement. Comme on le disait précédemment, j’ai pris le virage de l’entrepreneuriat au moment où j’ai décidé de chiner des objets et de les revendre. Pour situer, la grande tendance à ce moment-là, c’était les miroirs en rotin en forme de soleil. Afin de donner plus de visibilité à mon activité, j’ai voulu lancer un blog, mais il me fallait un nom. Mon mari m’a soufflé Bilboquet et j’ai tout de suite été séduite par sa sonorité. De plus, le terme dégageait une énergie ludique et désuète que je trouvais pertinente. Enfin, cela représentait un bel objet en bois qui remémore parfois des souvenirs.

Échec et Mat, Saute Mouton, Pêche aux canards… les nuances Bilboquet donnent également le ton de votre marque, ludique et joyeuse.
D’une certaine manière là encore, ce sont mes enfants qui ont déterminé l’orientation de la marque grâce à ce wording emprunté à leur quotidien. Je me rappelle qu’ils jouaient à cap’ ou pas cap’ quand j’ai eu une révélation. Je trouvais cette expression géniale pour nommer une peinture. Je trouvais ça marquant et attachant. Cela correspondait parfaitement au positionnement que je souhaitais, c’est-à-dire haut de gamme, mais pas pompeux. J’avais la juste dose d’émotions.

La curation de tendances intègre-t-elle votre processus créatif en tant que coloriste ?
Je travaille main dans la main avec la tendance et je m’inspire notamment de la mode vestimentaire, car elle est un bon indicateur des humeurs et des aspirations. Une couleur que l’on a envie de porter peut très bien être une couleur que l’on veut voir sur l’un de nos murs. Tout cela fait sens dans la perspective où j’imagine des couleurs à vivre. Mes couleurs ont vocation à fédérer, à complémenter les intérieurs dans lesquels elles sont appliquées. Plus que la nuance en elle-même, c’est sa destination qui est déterminante dans ma réflexion créative. Au départ de chaque création, il y a un travail de projection dans un intérieur qui a très certainement un parquet, ou un sol gris ou blanc. Souvent, le mobilier oscille entre beige, gris, brun et doré. Le bois est également un incontournable des intérieurs aujourd’hui. À partir de ces éléments, j’élabore des tons qui vont créer une harmonie. C’est pour cela que mes coloris comprennent quasiment toujours une touche de jaune. Je crée en considérant l’existant, car je souhaite véritablement que mes peintures subliment les intérieurs, pas qu’elles nécessitent de renouveler toute la décoration. Mes clients me font confiance pour cela.

Diriez-vous que Bilboquet a pour mission d’encourager le mieux-être chez soi par la couleur ?
Oui, notre vocation est de contribuer à ce que les gens soient bien chez eux. Nous n’avons pas d’autre utilité et il est prouvé que les couleurs agissent sur notre état d’esprit global.

Comment êtes-vous parvenue à vous positionner comme experte sur le sujet de la couleur, justement ? En tant que marque digitale proposant un produit à forte matérialité, comment avez-vous construit ce lien de confiance et cette aura ?
Quand j’ai lancé la collection de peintures, j’avais déjà une communauté de 20 000 personnes sur Instagram qui suivait mon quotidien de brocanteuse ayant achetée une maison, que je meublais et décorais selon mon style. Et cette communauté, je pense que j’ai réussi à l’embarquer avec moi, car j’étais transcendée par une intention plus que par un produit, en réalité. Au-delà d’une gamme de peintures, je proposais une philosophie. C’était un mouvement, une véritable dynamique autour de l’idée que le simple fait de peindre un mur chez soi peut radicalement changer l’énergie d’une pièce et être vecteur de joie. Je transmettais cet émerveillement et, collectivement, on a créé un véritable lien grâce à cette magie transformative de la couleur et de la décoration intérieure. C’était une émulation sincère et partagée qui a donné lieu à des échanges incroyables.

Après les peintures et les papiers peints, imaginez-vous développer d’autres gammes ? Une proposition d’objets déco par exemple ?
Je n’ai pas encore les réponses à ces questions. Dans peu de temps, je serai rejointe par un bras droit et je pense que de cette nouvelle association naîtront de nouveaux projets. Dernièrement, j’ai fait une collaboration avec la marque Vanity Boum autour de lampes déclinées dans des nuances Bilboquet. C’était une super expérience. On verra bien ce que l’avenir nous réserve !

Retrouvez l’intégralité de cet échange avec Dorothée Sartorius, fondatrice de Bilboquet dans le Volume 18 de notre revue Les Confettis.