Atelier Bingo et la sérigraphie, l’histoire d’une rencontre
Tout n’est pas écrit à l’avance ! Hasard ou destin, la vie est peuplée de rencontres inattendues qui bousculent les cartes. Tel est le cas des créateurs d'Atelier Bingo et de leur révélation pour la sérigraphie.
Maxime, Adèle, vous êtes les fondateurs d’Atelier Bingo. Ensemble, vous faîtes de l’illustration, du collage et de la sérigraphie dans cet espace qui est une ancienne tannerie vendéenne. Expliquez-nous l’histoire de votre nom «Bingo» ?
Maxime : Alors le mot “Bingo » vient d’abord du nom d’un chien qui vivait ici, un gros berger allemand. Car lorsque l’on était encore à Paris et que l’on parlait de l’atelier, on disait “l’atelier de Bingo”. Mais bon finalement le chien est parti alors qu’on souhaitait le récupérer. Il mangeait tous les chats ici donc il a été emmené loin et on n’a jamais pu le revoir… Du coup maintenant on a le notre. Il s’appelle Donut.
Adèle : Oui c’est vrai, c’est ça mais c’est aussi lié à ce lieu, à cette histoire de duo. Quand on travaille ensemble, il y a toujours un moment où “Bingo !”, on tombe d’accord sur l’image qu’il nous faut. Et d’ailleurs on ne sort jamais d’image si Max ou moi ne sommes pas d’accord.
Maxime : Et le jeu Bingo c’est ça, c’est un jeu hasard. Nous travaillons beaucoup comme ça, en superposant des couches, des choses et on laisse la technique de la sérigraphie agir sur notre travail… Des accidents qui deviennent intéressants.
Adèle : Oui, l’imprévu, la magie des rencontres fortuites, c’est constitutif de notre univers. Parce qu’on ne vous l’a pas dit mais avant de venir ici on ne travaillait pas du tout ensemble avec Max.
Pourquoi la Vendée ?
Maxime : Nous n’avons pas eu un coup de cœur pour la région mais pour le lieu. À l’époque, on vivait à Paris avec notre sac sur le dos. Nous venions de terminer nos études à Nantes et nous faisions principalement du couchsurfing.
Adèle : À la fin de nos études, nous voulions aller à Bruxelles parce que l’on adorait cette ville mais nous n’avions plus d’argent. À ce moment-là, ma sœur quittait son appartement pour partir en stage à l’étranger durant un an. À partir de là, nous avons pu reprendre son logement temporairement. Maxime a trouvé un travail et nous avons pu nous poser. Mais quand ma sœur est revenue, ce n’était plus vivable. Nous sommes alors partis sous-louer un autre appartement durant six mois.
Maxime : C’était peu confortable de vivre dans un lieu qui n’était pas à nous tout en travaillant à côté. Pour autant, je n’avais pas envie de trouver un autre appartement car Paris représentait simplement une transition pour moi. Nous avions une vie qui nous plaisait, des amis, des habitudes mais ce n’était qu’une étape finalement.
Adèle : Quand on a visité la tannerie, le coup de cœur était tel que l’on a vite pensé à quitter Paris pour vivre dans cet atelier.
Maxime : Oui, le lieu a motivé notre départ. Pas nécessairement la campagne.
Adèle : Quand on connait Nantes ou Paris, ce n’est pas évident de penser la campagne comme un lieu de vie. Ça fait un peu peur. Mais le lieu et le prix des loyers nous ont convaincu ! Nous pensions rester un an….ça fait maintenant plusieurs années que nous sommes là.
Comment en êtes-vous venus à travailler ensemble, comment a commencé la collaboration ?
Adèle : Tout a commencé ici !
Maxime : Nous nous sommes rencontrés à l’EVC (école de communication visuelle), nous étions dans la même promotion mais également dans la même colocation à Nantes. Finalement, nous savions comment vivre ensemble avant même d’être ensemble (dans la vie). Mais pour ce qui est de nos univers, ce n’était pas une glorieuse cohabitation au départ. Nous sommes justement venus ici pour les concilier. Faire quelque chose ensemble était la seule contrainte qu’on avait.
Adèle : Au début, on pensait monter un studio de graphisme. On se disait qu’on ferait des affiches pour les évènements et entreprises du coin. On pensait vraiment créer un studio dans ce cadre bucolique, proposant du graphisme et potentiellement de la sérigraphie. Mais finalement, la sérigraphie s’est imposée comme une révélation dès qu’on a commencé à explorer cette technique. Elle nous a offert une dynamique à laquelle on ne s’attendait pas, et nous a orienté vers l’illustration. Grâce à cette découverte de la sérigraphie, nous avons pu développer un univers commun, cohérent et unique. Ainsi si aujourd’hui l’univers d’Atelier Bingo est si reconnaissable et consolidé, c’est en grande partie grâce à l’impulsion que la sérigraphie nous a donné. Cela nous arrive évidemment de réaliser des projets de graphisme mais toujours un peu dans notre style, avec du papier découpé, de l’âme.
Votre univers est coloré, insouciant et instinctif. Nous avons l’impression que la sérigraphie vous permet de vous affranchir et de vous exprimer avec spontanéité ?
Maxime : Complétement. Notre univers exprime la liberté que nous nous octroyons. Nous ne nous posons plus trop de questions. Je ne suis pas certain que ce soit de l’audace mais si l’on fait un gribouillis et qu’il nous plaît, nous l’imprimons. Il a pu nous arriver au début d’avoir des complexes lorsque nous avons commencé à animer des ateliers et des festivals de sérigraphie. Il fallait alors réaliser les techniques en direct, dessiner devant les gens. Mais l’univers que nous avons mis en place est si accessible et récréatif que nous ne cherchons plus du tout à faire nos preuves. Nous nous amusons avec la sérigraphie et tout ce qu’elle donne à explorer comme la couleur ou les formes.
Adèle : Ce qui drôle d’ailleurs, c’est que Maxime ne travaillait qu’en noir et blanc à l’école.
Maxime : Oui, c’est la magie révélatrice de la sérigraphie. Ce qui est intéressant avec cette technique, c’est d’entasser les couches. On passe des écrans les un sur les autres pour arriver à une accumulation d’aplats. Avec du noir, il n’y a aucun jeu de transparence alors qu’avec la couleur, tout de suite les perspectives se démultiplient. D’autant plus qu’à l’école, nous n’imprimions pas nos projets, nous n’utilisions pas de tons directs. C’est aussi pour ça qu’on a voulu faire de la sérigraphie, pour faire ce qu’on a toujours voulu faire à l’école.
Adèle : Nous nous plaisons tellement dans cette technique artisanale de la sérigraphie que ça été délicat de nous retourner vers le graphisme pur, la composition, la typographie. On ne compose pas une image de la même manière que l’on compose une affiche ou la mise en page d’un livre. Quand on a reçu des commandes d’affiches, nous avons vécu cela comme un challenge. Ce n’était pas si simple au début. Il fallait trouver un juste équilibre : que ce soit lisible, intelligible mais également représentatif de notre univers.
Comment fonctionnez-vous dans votre duo ?
Maxime : Je m’occupe peut-être plus de la partie technique, au niveau de la sérigraphie. Il y a énormément d’étapes et c’est vrai que j’ai acquis une certaine efficacité comme je m’en occupe depuis le début. J’ai une méthodologie à laquelle je me tiens et qui nous convient. Pour la création, c’est un travail commun. Si j’imagine un visuel, je travaille toujours à partir de la matière élaborée par Adèle.
Adèle : Il y a toujours un moment où l’on va se retrouver pour définir les couleurs, penser les formes.
Maxime : Quand l’un fait un visuel, l’autre arrive toujours à la fin pour le moment Bingo (rires) ! Après, il y a quelque chose que je ne fais jamais et qu’Adèle fait, c’est lire les mails…
Adèle : Oui, Maxime n’ouvre jamais sa boîte mail ! Il en a horreur… Alors je dois m’en charger (rires) !
Quelles sont vos influences ?
Maxime : On aime bien tout ce qui se faisait dans les années 50, l’art mais surtout le graphisme de l’édition jeunesse. À cette période, les graphistes et designers travaillaient beaucoup le papier découpé. Des personnes comme Le Corbusier ont beaucoup travaillé le collage…
Adèle : Je n’ai pas de nom précis… Je trouve que depuis que l’on est ici, on se nourrit de l’art en général. Je crois qu’il est nécessaire de se décloisonner pour alimenter son imaginaire et l’enrichir. J’adore le travail de Sonia Delaunay… Toutes les déclinaisons, ses tissus : ce sont des sources d’inspiration magnifiques. Et pourtant, j’ai découvert cette artiste avant même que l’on puisse rapprocher notre univers au sien.
Maxime : J’apprécie également beaucoup le Tampographe. Il a vraiment créé son propre medium avec ses propres tampons et ses machines. C’est fascinant. Son univers est riche et délirant. Après il y a des personnages inspirant plus anciens comme le peintre Serge Poliakoff…
Adèle : Oui, ce qu’a fait Poliakoff entre beaucoup en résonance avec notre travail.
Au-delà de la sérigraphie, vous réalisez désormais d’autres créations. Des installations ou des céramiques. Quel est le fil rouge de ces réalisations ?
Maxime : L’envie de s’amuser et de s’exprimer autrement.
Adèle : Oui, ce sont des expressions de liberté créative.
Photos : © François Rouzioux
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