Talents

L’artiste Caroline Walls allie fond et formes

Tout n’est pas écrit à l’avance ! Hasard ou destin, la vie est peuplée de rencontres inattendues qui bousculent les cartes pour que s'expriment avec magie, audace et créativité.

Le 3 janvier 2022

Impossible de passer à côté de Caroline Walls, dont les toiles délicates et sensuelles enrobent les réseaux sociaux de douceur. Depuis son studio, à Melbourne, l’artiste d’origine néo-zélandaise captive nos regards grâce à ses interprétations fluides du corps féminin. Entretien avec une femme qui adore les femmes.

 

Caroline, nous vous connaissons en tant qu’artiste multi-talents : peintre, sculptrice, illustratrice, céramiste. Mais vous avez aussi été directrice artistique dans le domaine de la mode et du design auparavant. Expliquez-nous votre cheminement. À quel moment avez-vous ressenti le besoin d’exprimer votre créativité en signant des œuvres en votre nom ? 

Ayant eu, dès mon plus jeune âge, le désir de travailler dans un domaine créatif, j’ai étudié la communication visuelle et le design à la sortie du lycée puis j’ai déménagé à Londres et New York afin de travailler en tant que designer et directrice artistique pour des agences regroupant des griffes de mode et de lifestyle. Après dix ans à faire cela, j’ai eu envie d’une plus grande autonomie créative et j’ai ressenti un réel besoin d’explorer ma propre pratique artistique, loin des restrictions des clients et des briefs de conception. De retour à Melbourne, je me suis inscrite à une formation en art contemporain que je suivais après mes heures de travail, car je poursuivais mes fonctions de directrice artistique en journée. M’investir dans l’apprentissage de tout ce qui touche aux arts visuels au Victorian College of the Arts a créé des étincelles en moi. Même si, au départ, je n’avais aucune vocation à l’idée de faire de l’art, ma passion a évolué jusqu’à alimenter mon quotidien. Je suis très heureuse de la direction que mon destin a pris.

 

Vous trouvez un sujet d’inspiration inépuisable dans les courbes féminines. Qu’est-ce qui vous fascine chez la femme et son anatomie ? 

Mes tableaux oscillent entre figuration et abstraction. La fluidité de la forme et des silhouettes occupe une place importante sur la toile, d’une manière qui, je l’espère, permet une lecture nuancée du féminin – quelque chose de substantiel mais de tendre. Ces lignes, courbes et formes, qui composent la figure féminine dans mon travail, sont un moyen pour moi de célébrer la femme et tout ce que ce mot porte avec lui – à la fois la beauté et le fardeau. Je suis inspirée par des femmes audacieuses, sans honte, honnêtes, sensuelles, pleines de cœur et qui offrent volontiers leur vraie personnalité au monde qui les entoure.

Vous avez beaucoup voyagé. Vous avez étudié la communication visuelle en Australie puis vous avez travaillé entre Londres et New York. Vous êtes ensuite revenue dans votre pays natal pour compléter votre parcours dans les arts visuels et établir votre propre studio. Comment vos expériences à l’étranger ont fait évoluer votre regard ? Comment le voyage et ses rencontres ont permis à votre créativité de s’épanouir ? 

Rien de mieux pour un esprit créatif que d’avoir les plus belles galeries et les musées les plus renommés à portée de main. J’adore Londres, New York, Paris et Tokyo pour ces raisons. J’aime penser que mes expériences de ces différentes villes m’ont permis d’aborder ma pratique artistique avec une considération et une compréhension plus profondes des perspectives. De la même manière, je n’aurais sûrement pas une approche aussi contemporaine de l’esthétique si je n’avais pas travaillé dans le monde de la mode et du design. Aussi, je pense qu’il faut rencontrer les femmes pour pouvoir les dessiner.

 

Avez-vous des modèles féminins, des autrices, des artistes, des politiciennes dont vous admirez les créations ou les idées et qui vous ont permis d’avancer ?

La liste est très très longue mais je peux vous énumérer quelques femmes extraordinaires qui m’inspirent particulièrement en ce moment : Marlene Dumas, Polly Borland, Louise Bonnet, Tracey Emin, Ginny Casey et Cindy Sherman. Mais aussi Louise Bourgeois, Georgia O’Keeffe et Barbara Hepworth.

 

Diriez-vous que votre art est engagé ? Qu’il participe à une meilleure représentation de la pluralité des corps féminins ? 

Je crois que l’art peut être un vecteur très puissant de conversations, de débats sur les problèmes propres aux femmes. Il y a toujours une réelle pression pour nous présenter d’une certaine manière, par rapport à notre identité de genre et à notre sexualité. Donc, en tant que femme, je suis profondément curieuse de savoir comment les lignes de genre et le sens de soi jouent dans notre compréhension et notre approche du monde. Je suis également intéressée par d’autres femmes artistes qui interprètent et représentent le nu féminin dans leur propre art. Le mouvement artistique féministe des années soixante-dix a ouvert cette porte. Je suis convaincue qu’il est incroyablement important que les femmes dans l’art continuent d’explorer, de représenter et de s’approprier ce qui est vraiment nôtre (nos corps). Au fond de moi, j’espère que mes œuvres pourront participer à faire bouger les lignes.

Votre palette de couleurs est très légère et neutre. Pourquoi ces choix ? Qu’est-ce qu’elles représentent pour vous ?

Les nuances subtiles que j’imagine sont primordiales pour le travail que je produis. Ma palette est composée d’une collection de couleurs raffinées qui me permettent d’exprimer la souplesse de la peau et de faire allusion à la douceur du corps d’une femme. Mon utilisation de la ligne et de la forme est minimale, audacieuse et assez abstraite, alors je me tourne vers la couleur pour ajouter de la profondeur et raconter davantage « l’histoire ». Mon choix d’utiliser une palette réfléchie de tons neutres doux, de riches tons terreux, de bleus profonds et de noirs s’explique par l’émotion que ces couleurs me procurent. Elles font intrinsèquement partie de moi.

 

Vous explorez votre sujet de prédilection à l’aide de différentes techniques. Qu’est-ce qui vous fait vibrer dans la peinture et la sculpture ? Quels liens entretenez-vous avez les différentes matières : papier, peinture, argile ? 

J’éprouve un intérêt à explorer plusieurs medium pour différentes raisons. En effet, cela me permet d’explorer le même thème de plusieurs manières, de produire des réponses nouvelles et uniques interrogeant la notion de féminin. En parcourant les spécificités des différents medium, j’arpente également les différents sens que peut revêtir la notion de féminin. Le choix du support traduit parfois mes besoins : quand je dessine au fusain, je cherche à être libre, sans contraintes et spontanée. Au contraire, mes peintures sur toile sont constituées de compositions très réfléchies qui demandent une certaine planification et un processus de réflexion plus profond.

 

De l’idée à la réalisation d’une de vos créations, comment s’articule votre processus créatif ? 

Je fonctionne de manière assez intuitive. Avant de commencer une nouvelle série, j’ai tendance à passer un certain temps à développer et à explorer des options de composition, à créer des croquis approximatifs et à répertorier les couleurs que j’aimerais utiliser. En ce sens, je préfère de loin travailler sur une collection d’œuvres – une famille d’œuvres – formant un récit cohérent plutôt que réaliser, de façon aléatoire, une peinture isolée. Je sais généralement ce que je vais peindre avant de mettre le pinceau sur la toile, mais je laisse toujours de la place au mouvement si j’ai l’impression que les formes pourraient mieux fonctionner ou que les couleurs nécessitent d’être retravaillées. Je dessine les courbes et les formes de manière intuitive, plutôt qu’à partir de modèles, car je sens que mon « line art » peux être plus libre et plus spontanée.

À quoi aspirez-vous aujourd’hui ? Quels sont vos projets ?

Je travaille actuellement sur ma prochaine exposition personnelle et je suis également occupée à travailler sur un livre, que j’espère publier l’année prochaine. À suivre…

 

www.carolinewalls.com