Démarches

Pourquoi le respect du droit des enfants est plus crucial que jamais

Partage d'un récit personnel pourtant si universel. La rencontre de ma fille et d'Amir, un petit garçon qui lui a raconté son voyage depuis l'Afghanistan. Il a fui le pays en laissant derrière lui père, mère et sœurs. Il a fait la traversée en bateau avec son oncle, sans savoir nager, pour rejoindre la Turquie. Il a poursuivi jusqu'en France à pied. Aujourd'hui, il vit dans un foyer pour enfants avec d'autres migrants de différents pays. Un rappel de plein fouet de la chance que nous avons de vivre et d'être nés dans un pays libre.

Le 31 mars 2025

Ce récit, raconté par les yeux innocents de ma fille, m’a profondément bouleversée. Comment un enfant peut-il vivre de telles épreuves ? Quelle résilience faut-il pour continuer à avancer, pour s’asseoir dans une salle de classe et partager son histoire avec des camarades qui n’ont jamais connu de telles souffrances ? Cette soirée a été le point de départ d’une longue réflexion sur le droit des enfants et l’urgence de les défendre.

droit-des-enfants-monde-les-confettis © Iarm Rmah / Unsplash.jpg
© Iarm Rmah / Unsplash.jpg

Une prise de conscience personnelle

Je dois vous avouer que, comme beaucoup d’entre nous, j’ai longtemps vécu dans ma bulle de confort. Bien sûr, les informations nous rappellent quotidiennement que des enfants souffrent à travers le monde. Mais ces images restent souvent à distance, comme si elles appartenaient à un autre univers, séparé du nôtre par un écran protecteur.

L’histoire de ce petit Afghan, racontée par ma fille, a fait voler en éclats cette barrière invisible. Ce n’était plus une statistique anonyme ou un reportage lointain – c’était un enfant réel, assis à quelques pupitres de ma fille, qui partageait ses crayons et ses récréations. Un enfant qui, malgré son jeune âge, avait déjà vécu plus de traumatismes que la plupart d’entre nous n’en connaîtrons jamais.

Pourquoi parler des droits des enfants aujourd’hui ?

L’histoire de ce jeune garçon afghan n’est malheureusement pas un cas isolé. Selon les dernières statistiques, des milliers d’enfants traversent seuls ou partiellement accompagnés les frontières chaque année, fuyant guerres, persécutions ou misère. Ces mineurs non accompagnés constituent l’un des groupes les plus vulnérables de notre société.

Mais au-delà de la crise migratoire, les défis auxquels sont confrontés les enfants en 2025 se sont considérablement complexifiés :
Les conflits continuent de ravager certaines régions, transformant les enfants en victimes ou, pire encore, en soldats
L’ère numérique expose les enfants à de nouveaux dangers : cyberharcèlement, prédateurs en ligne, addiction aux écrans, exposition à des contenus inappropriés
Les inégalités économiques s’accentuent, privant de nombreux enfants d’accès à l’éducation, aux soins, à une alimentation correcte
La crise climatique menace directement l’avenir de nos enfants et engendre de nouveaux déplacements de populations
La pandémie récente a laissé des séquelles durables sur la santé mentale et l’éducation des plus jeunes

Dans ce contexte troublé, rappeler et défendre le droit des enfants n’est pas un luxe ou une préoccupation secondaire – c’est une nécessité absolue et urgente.

Les droits fondamentaux que nous oublions parfois

L’histoire du camarade de classe de ma fille m’a amenée à me replonger dans la Convention internationale des droits de l’enfant. Ce texte, que nous connaissons souvent vaguement, prend une tout autre dimension quand on le lit en pensant à un enfant précis.

Voici quelques droits fondamentaux qui résonnent particulièrement avec moi aujourd’hui :
Le droit à une identité et une nationalité : Ce garçon afghan, a-t-il encore des papiers ? Son existence est-elle officiellement reconnue ? Combien d’enfants deviennent des fantômes administratifs suite à leur exil ?
Le droit à vivre en famille : Séparé de ses parents et de ses sœurs, ce jeune garçon vit une amputation émotionnelle quotidienne. Le droit à grandir entouré de sa famille, que nous tenons pour acquis, lui a été brutalement retiré.
Le droit à la protection contre la violence : Que ce soit la violence des conflits, celle du voyage migratoire ou celle de l’intégration dans un nouveau pays, trop d’enfants sont exposés à des traumatismes qui les marqueront à vie.
Le droit à l’éducation : Si ce garçon peut aujourd’hui aller à l’école en France, combien d’autres enfants sont privés d’éducation à travers le monde ? L’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage, c’est aussi un espace de stabilité et de normalité pour des enfants dont la vie a été bouleversée.
Le droit à l’égalité des chances : Quel que soit leur pays d’origine, leur situation familiale ou leur parcours, tous les enfants méritent les mêmes opportunités de développer leur plein potentiel.

Notre rencontre avec le jeune Amir et ce qu’elle nous a appris

droit des enfants - les confettis © larm Rmah / Unsplash
© larm Rmah / Unsplash

Malgré la barrière de la langue – il apprend le français depuis seulement quelques mois – Amir nous a raconté des bribes de son histoire. L’émotion dans ses yeux quand il parlait de sa mère et de ses sœurs restées en Afghanistan. Sa fierté quand il nous a montré les progrès qu’il avait faits en français. Sa passion pour le football, qui lui permet de communiquer avec les autres enfants sans avoir besoin de mots.

Ce qui m’a le plus frappée, c’est sa résilience extraordinaire. À 12 ans à peine, il a vécu des épreuves qui auraient brisé bien des adultes. Pourtant, il garde cette capacité d’émerveillement propre à l’enfance, cette soif d’apprendre, cette joie simple de jouer au ballon dans le jardin avec ma fille.

Ce soir-là, ma fille m’a confié qu’elle trouvait « injuste » qu’Amir ne puisse pas voir sa maman. « C’est normal d’être avec ses parents quand on est un enfant, » m’a-t-elle dit avec cette lucidité désarmante des enfants. Et elle a raison. C’est normal, c’est un droit fondamental – un droit dont trop d’enfants sont privés.

Cette histoire a transformé notre famille. Ce qui était un sujet d’actualité abstrait est devenu une réalité incarnée, avec un prénom, un visage, un sourire. Amir n’est pas « un migrant » ou « un réfugié » – il est un enfant, avec les mêmes besoins, les mêmes droits que tous les autres enfants.

Comment agir concrètement ?

Cette histoire m’a profondément transformée, mais elle m’a aussi laissée avec un sentiment d’impuissance. Que peut faire une personne ordinaire face à des problèmes aussi immenses que les guerres, les migrations forcées, la pauvreté mondiale ?

À force de recherches et d’engagement, j’ai découvert qu’il existe de nombreuses façons d’agir, à notre niveau :
S’informer et sensibiliser : La première étape est de comprendre les enjeux pour pouvoir les expliquer autour de soi. Des organisations comme Un Enfant Par La Main offrent des ressources précieuses pour comprendre la situation des enfants dans le monde.
Soutenir les associations locales : Dans chaque ville existent des associations qui travaillent avec les enfants migrants, réfugiés ou en situation précaire. Que ce soit par des dons matériels, financiers, ou de temps, leur aide est précieuse.
Impliquer nos propres enfants : Organiser une collecte de fournitures scolaires dans sa classe pour les enfants du foyer. Éduquer nos enfants à la solidarité, c’est préparer un futur plus juste.
Agir politiquement : Interpeller nos élus sur les conditions d’accueil des enfants migrants, signer des pétitions, participer à des manifestations pacifiques peut contribuer à faire évoluer les politiques publiques.
Créer du lien : Parfois, le plus simple est le plus puissant. Inviter un enfant comme Amir à partager un repas, proposer du soutien scolaire, organiser des moments de jeux entre enfants d’horizons différents… Ces petits gestes peuvent avoir un impact immense sur le sentiment d’appartenance et d’inclusion.
Parrainer un enfant : Des organisations permettent de soutenir directement un enfant dans un pays en développement, contribuant ainsi à assurer ses droits à l’éducation, à la santé, à une alimentation adéquate.

Un engagement qui nous transforme aussi

D’abord, il a changé ma perspective sur mes propres « problèmes ». Comment se plaindre de la routine quotidienne quand on a rencontré un enfant qui a traversé des mers et des montagnes pour échapper à la guerre ?

Ensuite, cet engagement a enrichi ma vie de rencontres extraordinaires : des bénévoles dévoués, des travailleurs sociaux passionnés, des familles d’accueil généreuses, des enfants d’une résilience incroyable. Des communautés de personnes qui, loin des caméras et des discours, œuvrent chaque jour pour un monde plus juste.

Ma fille aussi en a été transformée. À 10 ans, elle a développé une conscience sociale et une empathie que je n’avais pas à son âge. Elle pose des questions sur les injustices qu’elle observe, réfléchit à des solutions, et surtout, elle traite chaque enfant qu’elle rencontre avec une générosité d’esprit qui me rend profondément fière.

Peut-être est-ce là l’une des clés : en défendant les droits des enfants du monde, nous élevons aussi nos propres enfants à devenir des citoyens plus conscients, plus solidaires, plus humains.

L’histoire d’Amir, racontée innocemment par ma fille un soir après l’école, a été comme un galet jeté dans l’eau calme de notre vie confortable. Les ondes de choc continuent de se propager, transformant notre perception du monde et notre place en son sein.

Le respect du droit des enfants n’est pas une question de charité ou de bonne conscience – c’est une question de justice fondamentale. Ces droits ne sont pas des privilèges que nous accordons généreusement, mais des nécessités basiques que chaque société devrait garantir à ses membres les plus vulnérables.

Quand ma fille me demande pourquoi Amir ne peut pas retrouver sa famille, je n’ai pas de réponse satisfaisante à lui donner. Mais je peux lui montrer, que chaque geste compte, même le plus modeste. Qu’être né du « bon côté » de la frontière n’est pas un mérite, mais une responsabilité.

Parce que comme me l’a dit ma fille avec sa sagesse d’enfant : « Si tous les adultes aidaient ne serait-ce qu’un enfant, il n’y aurait plus d’enfants qui auraient besoin d’aide, non ? »

Aussi simple que cela puisse paraître, je crois qu’elle a raison.

Photo de couverture © Piron Guillaume / Unsplash