Iris Hatzfeld, à main levée
Grâce à ses portraits, Iris Hatzfeld embrasse avec subtilité toutes les facettes des êtres humains. Le meilleur profil est celui qu'elle dessine. Rencontre !
Iris Hatzfeld, vos coups de crayon sont superbes. Avez-vous toujours voulu faire de l’illustration ? Quel est votre parcours ? J’ai toujours aimé dessiner mais j’ai mis du temps à me lancer. Pendant mes études d’Histoire de l’art, je noircissais des carnets de croquis et je prenais des cours du soir de dessin académique … Au moment de signer mon premier CDD dans la production d’expositions, j’ai réalisé que ce n’était pas du tout ce que je voulais faire. J’ai donc tout plaqué. J’ai fait sauter mon PEL pour acheter du matériel. Là, j’ai commencé à constituer un portfolio tout en faisant à côté des petits boulots qui me laissaient du temps pour dessiner. C’était pas très responsable mais j’étais sûre de moi.
Même si ça ne va pas du tout ensemble, je regardais plein de TED talks sur les clés de la réussite. Je lisais Bukowski pour me donner du courage car il a commencé hyper tard à publier… Les premières commandes sont venues de mon cercle d’amis, puis ça s’est élargi.
Vous avez énormément de talent pour le portrait. Qu’est-ce que vous aimez particulièrement dans cet exercice ? Comment arrivez-vous à retranscrire les émotions à travers le dessin ? Merci beaucoup ! Je suis fascinée par la variété des types humains. C’est une des raisons pour lesquelles j’adore Paris. La diversité des visages et des looks est infinie. Le métro, c’est mon Netflix à moi ! Je ne me lasse pas de regarder les gens, comment ils se coiffent, comment ils s’approprient la mode, leurs choix de pantalons. J’observe la forme de leurs sourcils, les couleurs qu’ils associent… Quand je dessine un portrait, je suis dans l’empathie. Je défends mon modèle et j’essaie de mettre en avant sa personnalité dans ce qu’elle a d’unique.
Quels sont les ingrédients d’un bon portrait selon vous ?
C’est le traditionnel équilibre entre beauté et ressemblance ! Il faut qu’on puisse bien reconnaître le modèle, non seulement dans les traits, mais aussi dans l’énergie qu’il dégage. L’idéal, c’est que le portrait montre à la fois une version augmentée de lui, concentrée et permanente, et un instant T, qui le rend vivant. Mais finalement, je pense qu’on reconnaît un bon portrait à ce qu’il n’a pas besoin de la référence à son modèle pour exister.
Il y avait une petite salle dans la récente exposition Hockney à Beaubourg, de portraits dessinés au trait. Ils étaient vraiment incroyablement beaux et je suis sûre qu’ils étaient très ressemblants. Mais avant tout, c’était de beaux dessins et on n’avait pas besoin de savoir qui c’était pour avoir terriblement envie d’en accrocher un chez soi !
Vous avez fait des illustrations pour des médias japonais. Y a t-il un lien particulier entre vous et ce pays ? Professionnellement, il y a un lien direct : mon agent japonais, Risa Nakazawa. Elle a fondé A-Gent Tokyo. C’est une passionnée. Grâce à elle j’ai des contrats avec des clients japonais et j’espère qu’à l’avenir, elle me fera voyager là-bas ! Je suis déjà allée à Tokyo. J’adore comment la culture japonaise valorise les aspects quotidiens de la vie. Dans des mangas comme La Cantine de Minuit, ou Les rêveries d’un Gourmet solitaire, plus récemment Le Goût d’Emma, ça parle recettes de cuisine et modes de cuisson pendant des centaines de pages sans qu’on ne s’ennuie jamais. Le trivial mène directement au spirituel, je me reconnais bien là-dedans.
J’ai aussi la chance d’avoir de la famille japonaise car mon amie, la chanteuse Kumisolo, est aussi devenue ma belle-soeur : nous sommes mariées à deux frères jumeaux et nos enfants s’adorent. Elle fait donc entrer le mode de vie japonais, la cuisine, la musique, une forme de politesse, les bentos, les origamis, Anpanman, dans notre vie quotidienne. On dit Tadaima en rentrant chez soi, on a un Noren à l’entrée de la cuisine…
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Instagram est bien sûr une mine pour suivre les dessinateurs les plus talentueux du moment. Mais ce qui m’inspire au sens large ce qui m’ouvre l’esprit, c’est plutôt ce que je découvre en écoutant la radio. Je passe ainsi mes journées à écouter France Culture, les conférences de l’IFM… Souvent ça m’amène à faire des lectures. Je déroule alors comme ça le fil d’un sujet. Par exemple dernièrement j’ai découvert en écoutant Les Discussions du Soir le travail scientifique de Sylvie Dethiollaz sur les sorties hors du corps. Ses recherches sont fascinantes et en m’y plongeant, j’ai sûrement changé ma façon de représenter le monde.
Vous êtes maman. Comment gérez-vous votre temps entre vos activités professionnelles, votre vie de famille et votre temps pour vous ? La réponse tient en un mot : yoga. Faire du yoga fait gagner un temps fou : on se concentre plus facilement, on n’a plus mal nulle part, on se lève beaucoup plus facilement le matin… C’est pour moi, la clé pour tenir le rythme et je conseille à tout le monde d’en faire. Après, j’évacue de ma vie, dans la mesure du possible, les gouffres à temps : je n’ai pas de télévision, je regarde peu de séries…
Je suis quand même débordée comme tous les parents qui travaillent, mais je ne culpabilise pas si je passe une soirée à travailler et inversement. Quand je joue avec mon fils, j’oublie mon portable. Enfin, j’échange aussi des tours de garde avec mes voisins de l’immeuble, ce qui me permet de sortir encore pas mal avec mon mec !
Que faîtes-vous quand vous avez besoin de faire une pause ? Quelles sont les choses qui rendent votre quotidien coloré ? Quand je suis au bord de l’implosion, je vais seule au cinéma. Je m’assois au troisième rang, et quand la lumière s’éteint, je déconnecte. Je suis alors dans un état de paix intérieure et quand j’en ressors je suis bien… Aussi, je fais le marché tous les week-ends. La compagnie des fruits et légumes de saison me détend. Mais ce qui égaye le plus mon quotidien, c’est de passer une soirée avec mes copains à se raconter des blagues autour d’un bon verre de vin !
Quels sont vos projets en cours ?
Je travaille à une série de dessins sur le thème du vêtement préféré. Ce sont des portraits accompagnés d’entretiens où des gens de toutes sortes me décrivent le vêtement auquel ils tiennent le plus.
Retrouvez le travail de Iris Hatzfeld dans le Volume 4 de notre revue !
À suivre
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