Talents

Jennifer Hart-Smith, la pâtisserie rencontre la conscience

Tout n’est pas écrit à l’avance ! Hasard ou destin, la vie est peuplée de rencontres inattendues qui bousculent les cartes pour que s'expriment avec magie, audace et créativité.

Le 6 décembre 2021

Rencontrer sa vocation

Rien ne prédestinait cette franco-australienne à devenir pâtissière. Dans son “ancienne vie”, elle étudie le design d’intérieur à l’Ecole Boulle à Paris puis se spécialise en typographie. “J’ai débuté ma carrière dans le web où j’ai travaillé pour des start-up mais rapidement le rapport à la matière et le côté créatif ont commencé à me manquer.” Alors, après la naissance de sa fille Tilda, elle décide de se reconvertir dans la pâtisserie. Jennifer suit une formation d’un an au Centre Européen des Professions Culinaires à Paris (CEPROC). “Pendant cette période, j’ai eu la chance de faire des stages chez Yann Couvreur, Benoît Castel et dans des bistrots parisiens. Ce qui m’intéressait vraiment, c’était la pâtisserie de restaurant, car mon premier amour, c’est la cuisine !” Mais la typographie lui manque et la jeune femme a alors une idée brillante : proposer des tookies, de petits sablés tamponnés avec des textes personnalisés. Ce sont ces petits biscuits qui la lancent et lui permettent d’acquérir une belle notoriété dans le métier. “J’ai commencé à poster des photos des tookies sur Instagram, ça a été un succès !” Aujourd’hui, son compte Instagram @jenhartsmith compte près de 87 000 abonnés et Jennifer collabore régulièrement avec des marques comme Caudalie ou la marque de vêtements Sézane. Les sablés, c’est bien pour gagner sa vie mais ce qui passionne vraiment cette trentenaire pleine de vie, c’est d’associer pâtisserie et naturopathie.

Alors en 2016, elle s’inscrit au Collège Européen de Naturopathie Traditionnelle Holistique (C.E.NA.T.HO) où elle suit pendant deux ans, une formation en naturo. “Bien manger a toujours été l’une de mes préoccupations principales car je fais partie de ces gens qui sont nés avec un capital santé à cinquantes centimes ! Je n’ai jamais pu faire des orgies gastronomiques ou boire démesurément, alors j’ai rapidement appris à être à l’écoute de ce que les aliments provoquaient sur mon corps.” Cet attrait pour le bien-manger, elle le tient sûrement de sa grand-mère australienne qui elle aussi, est naturopathe. “Pour le quatre-heures, elle me donnait des branches de céleri ou une tartine d’avocat. Rien à voir avec ma grand-mère française qui me préparait de la brioche au beurre ou des gâteaux à l’orange !” (Rires) Naturopathe certes mais dans la vie, la blonde pétillante est loin d’être fâchée avec le pâté et ne dit jamais non à un petit verre de vin nature. Comme elle aime le rappeler, “tout est poison, rien n’est poison, seule la dose compte.” L’idée de la naturopathie n’est pas de soigner les gens mais plutôt de leur apporter une meilleure hygiène de vie et ce, sur tous les plans (physique, social, environnemental, spirituel, psychologique, énergétique) et de soutenir les lois naturelles du corps. Plutôt que de sombrer dans l’orthorexie, un trouble alimentaire qui consiste à vouloir manger sainement de façon obsessionnelle, Jennifer préfère donc l’équilibre et la mesure.

 

Faire du bien à soi et aux autres

L’important pour elle, c’est de cuisiner et de manger en conscience. Une approche pleine de bon sens que l’on retrouve dans ses desserts. “J’évite au maximum les produits raffinés comme le sucre blanc, un produit à calories vides et qui demande, à la digestion, beaucoup d’effort au corps. Je lui préfère des sucres complets comme le sucre de coco, le rapadura ou le sucre de canne non raffiné.” Jennifer privilégie les ingrédients bio, de terroir, de saison et vivants – c’est-à-dire crus, pour préserver les enzymes, les minéraux, etc. “Il faut être sensible à tout ce qu’il y a autour d’un produit : la personne qui l’a fait pousser, la terre dans laquelle il a grandi…” Pas toujours facile de travailler des produits bruts et non transformés alors Jennifer invente, déconstruit. “Lorsque j’ai commencé à vouloir proposer une pâtisserie plus consciente, il m’a fallu revoir toutes mes recettes et repartir de zéro car tous les produits que l’on utilisait à l’école (le sucre blanc, la farine T55…) avaient tendance à acidifier l’organisme.” Progressivement, la pâtissière remplace la farine T55 par de la T65 pour les pâtes levées (pains, brioches) ou de la T80 pour les gâteaux, des farines dont on a conservé une partie de l’enveloppe du blé, l’endroit où se cache toutes les fibres bonnes pour notre organisme. Elle apprend aussi à utiliser d’autres céréales comme le riz, le petit épeautre… En 2017, Jennifer sort même un livre intitulé Super Farines (ed. Marie-Claire) dans lequel elle explore les possibilités infinies qu’offre la nature.

Car bien loin de l’handicaper, cette recherche d’alternatives saines et durables boostent surtout sa créativité. Nous avons eu la chance de goûter plusieurs de ses créations dont une brioche aux farines de blé et de petit épeautre dans laquelle la purée de potimarron vient remplacer le beurre, un régal ! La mie était étonnamment filante et la cucurbitacée apportait une couleur délirante à la brioche. “Tout est question de mesure : je continue aussi à préparer des brioches au beurre même si désormais, je sais comment le remplacer. Être naturopathe, c’est peut-être finalement repartir de zéro et s’intéresser à la nature environnante.” Cette nature, elle y tient beaucoup. Dès qu’elle en a l’occasion, Jennifer s’échappe en Aveyron dans la maison qu’elle et son compagnon ont retapé. Là-bas, elle s’adonne à de longues marches et pratique l’une de ses passions : la cueillette de plantes sauvages. “Toutes ces balades me permettent de me reconnecter avec mon environnement.” Cette maison, c’est sûrement sa deuxième vie. “Peut-être qu’un jour, j’y installerai mon labo de pâtisserie ou bien peut-être que les gens viendront simplement nous voir. Nous leur apprendrons à cuisiner, à cueillir… Et tout simplement à manger.”

 

www.tookies.fr