Talents

Jin Ahn, curatrice green

Depuis 2015, Jin Ahn tient à Londres un sanctuaire pour plantes d’intérieur baptisé Conservatory Archives. Portrait d’une horticultrice d'origine coréenne poussée à se réaliser par sa vraie nature.

Le 20 janvier 2020

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Renouveler ses racines

Sud-coréenne d’origine, c’est à l’aube de ses 30 ans que Jin Ahn a commencé à se sentir végéter. Styliste à Séoul, elle rêve alors d’un environnement où les idées comptent plus que leurs écorces. « En Corée du Sud, l’image et le paraître sont deux notions très importantes. Ce sont des clés sociales, elles peuvent fermer comme ouvrir des portes. Par conséquent, les cosmétiques et la chirurgie plastique font la loi. Les gens sont en quête de plus de beauté et celle-ci n’a pas de prix, d’autant plus quand on est une femme. Finalement, quitter la Corée du Sud m’a permis de m’émanciper de cette considération pour l’artificiel », confesse l’intéressée. Un dépaysement comme une libération qui mène la trentenaire vers le Royaume-Uni où elle étudiera la langue de Shakespeare (aussi fleurie qu’elle soit) et réalisera un bachelor en sciences de l’horticulture. Fascinée par le Jardin Botanique Royal d’Édimbourg, Jin Ahn embrasse avec plaisir l’idée de partager le reste de sa vie avec les frondaisons de ses essences favorites. Bourgeonne alors l’idée de monter sa propre réserve de plantes d’intérieur – car oui, en bonne citadine, Jin n’apprécie guère la pluie britannique quand elle jardine. Profitant enfin d’un nouvel air, cette jeune pousse parmi les horticultrices s’apprête alors à créer une nouvelle aire de jeux végétale.

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Vert, couleur de l’aventure

Sur les chemins de l’entrepreneuriat, Jin Ahn est une exploratrice. Accompagnée de son partenaire Giacomo, rencontré durant ses études d’horticulture, elle défriche toutes les annonces des agences immobilières afin de trouver, dans Londres, son futur coin de verdure. Mais le démarchage ne se présente pas sans épines : « J’ai compris, lors de la recherche de notre local, qu’avoir une bonne idée était une chose et que sa concrétisation passait par l’endurance. J’ai tout essayé. Je cherchais sur Internet et je m’inscrivais dans les agences, mais les retours étaient négatifs ou inexistants. Alors j’ai décidé de sillonner Londres grâce au bus 55 et j’ai fini par trouver une pépite, au bout de trois mois. Par chance, le propriétaire croyait en notre projet. C’était parti ! » La jeune femme vient de mettre la main sur l’une des plus anciennes quincailleries de Londres. Un héritage que la future commerçante décide de sublimer tant il lui importe. « J’ai fait restaurer la façade et la vitrine en me basant sur les photos de l’âge d’or de cette quincaillerie. Je voulais que l’on ressente que cet endroit avait un passé », s’amuse Jin Ahn. Après tout, c’est finalement avec le même élan qu’elle considère le patrimoine vivant. Il suffit d’entrer dans Conservatory Archives pour comprendre que la chlorophylle ne se résume pas à ce que l’on a l’habitude de voir chez un fleuriste. Dans cette serre baignée de lumière – quand il ne pleut pas, on reste tout de même à Londres –, les plantes ont repris le pouvoir. Sur plusieurs mètres de haut, voire de long, des monstera ou des ficus elastica vous tendent leurs branches comme un premier contact. Le végétal n’est pas inhibé ni retouché pour feindre la perfection, chaque variété se dévoile avec ses faiblesses, ses cicatrices et ses inflorescences aussi surprenantes qu’elles soient. Aucun arbre ne cache la forêt, au contraire le règne du végétal est transcendant. Pas étonnant que cette jungle très primaire fasse vibrer les influenceurs. Contrebalançant les tendances, Jin Ahn propose des espèces rares qu’elle acquiert par l’intermédiaire de collectionneurs privés. Elle le dit elle-même : « C’est un bon signe que les plantes d’intérieur plaisent autant, cependant je ne veux pas qu’elles deviennent victimes des tendances. En ce moment, c’est le pilea peperomioides que l’on voit partout. J’aimerais casser cette dynamique en prouvant que les plantes ne se résument pas à un fil d’actualité. Il y a tant de variétés différentes ! » À la façon des branches qui dansent au vent, Jin Ahn joue avec l’air du temps.

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Planter des graines

Comme pour inverser l’ordre établi, Jin Ahn se dévoue entièrement à ce monde végétal auquel on doit tant. Sa maison, un ancien entrepôt atypique dans lequel se trouve également son studio de travail, est complètement végétalisée et luxuriante. Cette ambiance tropicale est garante du bien-être de la patronne et cette dernière lui rend avec soin et affection. C’est bien pour cela que Conservatory Archives n’est pas un lieu d’achat conventionnel, mais un bassin d’adoption où chaque client est presque choisi par ses plantes : « Je me renseigne sur les intérieurs et les habitudes de chacun de mes clients pour être certaine que les plantes qu’ils adoptent pourront s’épanouir pleinement auprès d’eux. » En couple, Jin et Giacomo végétalisent également des bureaux et des magasins en dessinant de véritables scénographies. Là encore, Jin Ahn conceptualise ses installations pop-up en privilégiant les interactions et la transmission entre hommes et plantes. Le duo est derrière l’arrangement exotique de l’Ace Hotel et il n’est pas rare de voir leurs plantes lors des défilés et des soirées de la Fashion Week. Une connexion avec l’art qu’aime particulièrement Jin Ahn, se penchant désormais vers l’avenir. Peut-être une seconde boutique, peut-être pas… mais toujours cette envie que notre matière grise respecte enfin l’or vert.

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www.conservatoryarchives.co.uk

 

Photos ©Evgenia Basyrova

 

Retrouvez le portrait de Jin Ahn dans le Volume 6 des Confettis,
disponible sur notre boutique.