Talents

Léa Camilleri

Muse d’une nouvelle génération qui ose s’engager, la YouTubeuse Léa Camilleri explore le monde pour sensibiliser sa communauté aux enjeux écologiques. Rencontre.

Le 6 janvier 2020

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Léa, on vous connaît YouTubeuse et activiste, mais pouvez-vous revenir sur votre parcours.
J’ai grandi à Toulouse et je suis très attachée à cette ville. J’y ai fait mes études de graphisme puis j’y ai travaillé pour un magazine masculin. Je ne m’étais pas imaginé quitter cette ville mais on m’a débauchée et proposé un poste de directrice artistique pour une marque en Espagne. N’ayant jamais eu la possibilité de faire Erasmus, j’ai saisi ma chance et je suis partie. Au bout de deux ans de belles rencontres, de fêtes et de chouettes aventures, je suis rentrée. Je me suis dit qu’être freelance pourrait être une bonne idée d’autant plus que l’univers de la vidéo ne m’était pas inconnu puisque j’en faisais avec mon frère. Cela me paraissait s’inscrire dans une certaine continuité. Je me suis mise à les partager sur YouTube. On était en pleine émergence de gens comme Norman ou Cyprien.

 

En tant que femme dans ce milieu, vous êtes-vous sentie cantonnée à un rôle ou au contraire avez-vous pu inventer vos propres règles du jeu ?

C’est vrai qu’il n’y avait pas de règles préétablies, pas réellement de cases dans lesquelles nous mettre. Mais très vite, certaines réactions négatives sont apparues. J’ai décidé très vite que je ferai de l’humour et comme on pouvait l’imaginer, j’ai reçu des commentaires qui remettaient en cause la capacité des femmes à en faire. C’était déplaisant mais ça ne m’a pas arrêtée pour autant. J’étais aussi très jeune et moins engagée pour la femme quand j’ai commencé. Alors, il est possible que malgré moi, j’ai entretenu certains clichés. Car globalement personne ne te montre que tu pourrais faire autrement que reproduire certaines choses. YouTube m’a permis l’accès à des contenus à contre-courant, des contenus féministes proposés par des filles qui osaient. J’ai pu, grâce à elles, cultiver l’indépendance de mes idées.

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Au fil de vos vidéos, vos engagements se sont affirmés notamment sur le plan écologique. Comment cela s’est-il manifesté ?

Je crois que je cultive depuis petite de grandes envies d’évasion. Le grand voyage, celui qui est long et t’emmène loin, m’a toujours fait rêver. Ce n’est qu’après mes 25 ans que j’ai pu réaliser de tels voyages. Mon premier long courrier m’a menée au Mexique. Là-bas, j’ai pu réaliser un rêve en approchant des tortues marines. J’ai filmé mon voyage et je l’ai posté sur YouTube. La vidéo a plutôt bien fonctionné. Je ne m’y attendais pas car je pensais que ce contenu pouvait arborer un côté un peu excluant dans l’absolu. C’est là que j’ai compris que partager une passion pouvait galvaniser des gens. Mais j’ai aussi fait certains autres constats. Naturellement, mon regard s’est posé sur les conditions de vie des tortues marines. J’ai découvert que leur population diminuait petit à petit à cause de la pollution, du tourisme de masse, du non-respect de la nature par les hommes. Cette image est restée dans ma tête comme un potentiel sujet à aborder. J’ai continué de voyager car j’adorais ça mais à chaque fois, je rentrais avec l’idée que les prochaines générations ne seraient pas en capacité de voir la faune et la flore telle que moi je les avais vues. Face à l’urgence de la situation, j’ai donc décidé d’en parler.

 

Vous optez d’ailleurs pour un ton positif face à des problématiques écologiques de plus en plus alarmantes…

Je crois que les messages culpabilisateurs fonctionnent un temps mais n’influent pas sur les comportements à long terme. On s’habitue aux images choc et à la violence. C’est d’ailleurs ce que je retiens des anciennes campagnes menées par la Sécurité routière. Moi qui n’étais plus touchée par la portée de certains messages fatalistes et moralisateurs, je me suis demandé quel ton fonctionnerait pour justement me donner envie d’agir. Le ton que j’emploie, est – je crois – celui que j’aimerais que l’on emploie avec moi. Toutes les personnes avec lesquelles j’ai travaillé autour des problématiques d’écologie avaient cette pensée positive. S’acharner à convaincre par la peur ou la culpabilisation est contre-productif. Un ton léger n’enlève pas l’état d’urgence, cela rend le message encore plus intelligible, notamment auprès des jeunes.

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Avez-vous le sentiment que les jeunes, justement, sont plus sensibles aux problématiques environnementales que leurs aînés ?

C’est drôle car nos parents ont toujours eu l’impression que les jeunes se « foutent » de tout. Et bien, pour en avoir rencontré beaucoup dans les collèges et les lycées lors de campagnes de sensibilisation à l’écologie, j’ai été impressionnée par leurs connaissances. À leurs âges, ils en savent beaucoup plus que moi, du haut de mes 31 ans. Ils ont cette volonté de s’activer pour faire avancer les choses. Personnellement, ma prise de conscience a été longue et mes actions en faveur de la biodiversité ont démarré tard. Eux, se sentent déjà investis. Ils osent et ont très bien intégrés que les réseaux sociaux peuvent être un vecteur d’actions positives.

 

Vous avez lancé un appel aux dons pour financer la plantation d’une forêt en Zambie. Vous avez récolté en 24 h les fonds nécessaires. Vous avez aussi participé à la recherche scientifique à bord du bateau de Tara Expéditions notamment. Souhaitez-vous développer ce type d’actions très concrètes?

Certaines choses ont été l’œuvre d’un heureux hasard. J’ai découvert les initiatives de Tara Expéditions quand j’étais encore graphiste : les voyages de sensibilisation et la fondation de préservation de l’environnement, j’avais envie d’y participer. J’ai donc envoyé un mail de candidature qui est resté sans réponse. C’est plus tard, par l’intermédiaire du PDG et de la directrice de Disneynature – société de production de documentaires animaliers –, que j’ai pu me rapprocher de Tara Expéditions car Disney venait d’investir dans le bateau. Je dois d’ailleurs énormément à Carole Balducci, la directrice de Disneynature, car au-delà d’être mon amie aujourd’hui, elle est réellement devenue mon mentor grâce à sa vision et ses mots sur l’écologie. Elle m’a présentée à l’équipe de Tara Expéditions qui m’a proposé de monter à bord du bateau dans les mois qui suivaient. C’était absolument incroyable, car seuls des marins et des scientifiques peuvent y accéder ! J’ai donc commencé à filmer des travaux scientifiques sur les coraux. Et ça a tellement plu à la fondation, qu’ils ont décidé de faire de nouvelles vidéos plus pédagogiques à destination des collèges et lycées.

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Comment vous définiriez-vous ? YouTubeuse engagée ?

Le mot « engagé » m’a longtemps fait peur. Et j’ai compris petit à petit que ce n’était pas un gros mot. De la même manière qu’être « écolo » n’était pas un gros mot. Peu importe finalement l’étiquette que l’on nous donne, l’important est de rester fidèle à ses convictions et de porter un message. Cet engagement m’a valu d’être contactée par YouTube pour participer au programme « Creators for Change » qui dénonce les injustices sociales. Mon projet était de produire du contenu en mettant l’accent sur la bienveillance. Pour moi, c’est un sujet qui va de pair avec l’écologie, la politique, la nature et les humains. Je me suis retrouvée à Londres avec des personnes habitant des pays en guerre, des personnes de cultures très différents portant des messages différents. C’était incroyable. Nous avons pu assister à trois jours de conférences très intéressantes. Un des conférenciers était un ancien membre d’Al-Qaïda qui aujourd’hui travaille dans les prisons pour éviter que les détenus ne se radicalisent. Un autre conférencier était un ancien leader d’un énorme mouvement skinhead aux États-Unis qui nous a parlé du pouvoir de l’empathie. Ce qui a nourri une de mes vidéos autour de la bienveillance et de l’empathie ! C’était une expérience folle.

 

Retrouvez l’intégralité de l’entretien de Léa Camilleri réalisé par Perrine Bonafos
pour le Volume 6 des Confettis, disponible sur notre boutique.