Marie Portolano se confie
Personnalité forte de Canal+, Marie Portolano est la cheffe d’orchestre du programme multisports, le Canal Sports Club. Elle s’impose comme une des journalistes de sport référence grâce à un ton décontracté et bienveillant.
Marie, vous êtes aux commandes, depuis la rentrée, du Canal Sports Club, la nouvelle émission phare multisports du groupe Canal+. Quel sentiment prédomine après ces premières semaines ?
Ça va paraître très bateau, mais je suis vraiment très heureuse. C’est un vrai challenge de créer une émission multisports, ce qui n’existait pas vraiment jusque-là. Il y avait 19h30 Sport en semaine, mais là, c’est quand même autre chose car on est en clair, à 19h, en access prime-time, le samedi, avec du public. Je suis ravie que Canal+ me fasse confiance sur cette nouvelle case.
Cela tient à quoi ?
Je pense que ça tient à moi (rires) ! Non je plaisante. Ça tient au fait que la direction des sports et la direction de Canal+ me font confiance. Ils m’ont confié plusieurs fois des choses différentes. Je pense aussi que c’était le moment pour moi de montrer que j’étais capable de le faire.
L’émission est importante dans la grille de Canal+…
Oui. L’objectif est de parler du sport différemment. Et pas seulement en fonction des droits sportifs que l’on détient. Quand on a parlé du format de l’émission, j’ai insisté sur le fait que ce qui m’avait donné envie de devenir journaliste de sport, c’était les exploits sportifs. Notamment en natation, alors que ça n’était pas mon sport de prédilection. Le sport, ça n’est pas seulement des résultats et des images de buts, c’est aussi le reste. Le sport, c’est la préparation, l’aspect humain, l’état d’esprit, la psychologie. Et avec nos consultants, on aborde toutes les questions, au-delà des disciplines de chacun, comme on a pu le faire sur les coachs mentaux. On a vraiment envie que cette émission soit là pour rappeler qu’un des fondamentaux du sport, c’est l’émotion.
Cela correspondait à ce que vous cherchiez comme journalisme ?
Oui complètement. On va plus loin que le résultat et ce que j’aimerais, c’est que quand les gens regardent un de nos sujets sur une personnalité qu’ils ne connaissent pas, ça leur provoque une émotion. Moi, c’est comme cela que ma vocation est née. Je regardais le sport et ça me faisait pleurer à chaque fois ! Et ce n’est pas la défaite qui me fait pleurer, mais la victoire… L’exploit, le beau geste, la transcendance m’émeuvent vraiment. Et je me dis que si j’y suis sensible, les autres peuvent l’être aussi.
Cette émission, vous l’avez évoqué dans d’autres interviews, était une opportunité pour vous. Pourquoi ?
J’ai passé quatre ans au Canal Football Club, qui est clairement la meilleure émission foot en France. Je la regardais avant et quand on m’a demandé d’en faire partie, c’était impossible de refuser. Cette émission c’est une grosse machine, énormément rythmée. Mais après quatre ans, pour m’épanouir encore plus, il fallait que je fasse autre chose. Et ce n’est même pas moi qui ai demandé, c’est Canal+ qui m’a proposé cette nouvelle émission. J’ai passé quatre super années au CFC. J’ai adoré le faire et là, c’est juste une manière de changer, de montrer que je suis capable de faire autre chose.
Cette arrivée à Canal+, qui est une des références du journalisme de sport, ça avait été un graal ?
Oui. Je suis arrivée en 2014 et on peut dire que ça a été une année vraiment en or pour moi, car j’ai appris que j’étais enceinte le 16 avril. Canal+ m’a ensuite appelée le 1er mai… Là je me suis dit : « Oh merde ! Comment je vais faire ? » Car j’étais contente d’être enceinte mais je pensais que c’était le pire moment pour moi. Donc je l’ai tout de suite dit à Canal+, bien avant mes parents (rires). Et du coup mon arrivée a été un peu spéciale car c’était en août alors que j’étais enceinte de cinq mois. Il y a eu un sacré mélange de vie personnelle et professionnelle. Pourtant tout le monde a eu un œil bienveillant avec moi. Ça ne pouvait pas mieux se passer d’autant qu’il y a eu une réelle élégance de la part de mes dirigeants qui auraient pu me dire : « On s’appelle l’année prochaine », mais aussi celle de ma direction générale qui m’a dit : « Pars en congés maternité, reviens tranquillement, on ne t’a pas embauchée pour un an mais pour dix ans, tu as toute ta place. » Du coup je ne me suis pas sentie stressée par rapport à mon statut de femme potentiellement porteuse d’enfant (rires).
Vous étiez tout de même inquiète avant d’en parler ?
Complètement. Je n’ai pas dormi pendant trois nuits. Tu te fais embauchée dans la boîte de tes rêves et tu sais que tu vas devoir partir quatre mois après pour accoucher. C’est particulier. Après je salue et souligne l’élégance de ma direction à Canal+, mais je trouve ça normal.
Pour revenir à l’émission, il se dégage de celle-ci une réelle convivialité qui tranche avec une ambiance dans le sport de plus en plus radicale. Comment l’expliquez-vous ?
Il n’y avait pas de cahier des charges et je pense que si la direction m’a confié ça, c’est que c’est plus dans mon tempérament de préférer rigoler d’un truc qui se passe en plateau plutôt que de donner plus de résultats. J’aime travailler comme ça et si c’était différent, je ne serais pas à l’aise. On construit encore, on n’a pas atteint ce que l’on veut mais cette façon de faire les choses très friendly est très importante. Et puis j’ai la chance d’être entourée de consultants ultra cools : Camille Lacourt, Michaël Jérémiasz et Frédéric Michalak. On ne s’était jamais rencontrés avant la première, on avait beaucoup travaillé au téléphone, et ça s’est tout de suite super bien passé. Ils m’ont dit direct : « Si tu veux me charrier, tu n’hésites pas ! » Ça s’est fait naturellement. J’ai envie que les gens regardent l’émission en se disant : « Ils sont sympas, j’ai envie qu’ils soient mes potes. »
Si aujourd’hui, vous êtes une figure incontournable de Canal+, vous avez néanmoins su démarrer tout en bas de l’échelle…
Oui j’ai enchaîné les piges au début de ma carrière, notamment à Orange Sport Info. Je me disais : « Il faut que je dorme ». Je faisais des matinales et ensuite j’allais à Eurosport le soir de 15 h à 23 h. Et je reprenais le lendemain dès 5 h. Il fallait avoir la foi mais j’étais contente. Évidemment, je me plaignais beaucoup (rires) !
Quelle est votre ligne de conduite dans votre pratique du journalisme ?
Sur le Canal Sports Club, comme je ne connais pas tous les sports, j’essaye de lire tout ce que je peux sur le domaine qui peut me faire défaut. Concrètement, on a récemment traité de la Ryder Cup (une compétition de golf opposant tous les deux ans une équipe d’Européens à une équipe d’Américains, ndlr). Et moi, le golf, je n’y connais rien du tout. Du coup c’était beaucoup de travail avant car je ne voulais pas être prise au piège. D’autant que l’on avait Thomas Levet, un ancien golfeur français, sur le plateau avec nous. Je me disais que s’il me balançait un terme technique que je ne connaissais pas, ça allait se voir… C’était sûr. Et là, je risquais de ne pas pouvoir relancer. J’ai potassé à fond comme si c’était le bac. Ma clef est de ne pas être prise au piège.
On parlait d’image un peu plus tôt, est-ce que c’est quelque chose de compliqué à gérer pour vous ? Dans le rapport au public notamment…
Pas pour moi. En plus j’ai la chance de faire un truc à Canal+ qui s’appelle le Canal Tour où on va à la rencontre du public partout en France. Je suis maîtresse de cérémonie. Au début, j’étais hyper stressée car c’est devant 3000 personnes, mais comme j’ai fait du théâtre étant petite, je pense que j’ai appris à gérer ça. Ce qui peut me faire flipper, c’est plus quand je reçois un invité qui m’impressionne. C’est pour ça que je travaille mille fois. Mais mon image, sincèrement je m’en fiche un peu.
Vous êtes néanmoins exposée et très présente sur les réseaux sociaux notamment. Avec parfois des invectives à votre égard. Comment gérez-vous cela ?
J’ai beaucoup de distance avec ça. Ça me fait même rire parce que je sais qui sont les gens qui font ça. La personne qui t’adresse des propos pas élégants, ça peut être un jeune ado de 16 ans qui n’a rien d’autre à faire. Une fois, j’ai été menacée de mort, mais surtout, il y a eu cette même menace à l’encontre de mon fils avec des trucs du style : « Je sais où est son école. » Là, ça ne pouvait pas aller plus loin. Je lui ai envoyé un message dans la foulée en privé en lui disant qu’avec la nouvelle loi sur le harcèlement en ligne, ça pouvait lui coûter cher. La réponse a été immédiate : « Désolé madame. » Et le « madame » voulait bien dire que c’était un ado.
Quelles ont été vos inspirations dans votre vie professionnelle ?
Ça va peut-être faire un peu cliché, mais ma mère est la première de toutes. Elle a eu des hautes responsabilités comme fonctionnaire et elle a élevé trois enfants rapprochés. Elle bossait comme une malade, mais on la voyait tout le temps. Je sais que c’est la première personne que j’appelle quand j’ai des questions professionnelles. Après dans le métier, j’ai l’impression que j’ai beaucoup d’admiration pour tout le monde. Je me dis : « Tiens, j’adore comment elle pose cette question, il faut que je m’en rappelle. » Notamment Nathalie Iannetta, la patronne. Mais il y a aussi Estelle Denis qui a plus de rondeurs, d’empathie et est dans la bonne humeur. Hervé Mathoux est un super présentateur. Personne ne le déteste parce qu’il fait bien son boulot, tranquille. Et il y a peu, j’ai bien aimé un truc qu’il a fait. Il a dit : « Oui… Ah je ne sais plus ce que je voulais dire… » Et c’était tellement normal. Moi, j’aurais totalement paniqué. Et en fait, non, il ne faut pas.
C’est un côté naturel, famille, qui semble bien vous correspondre. C’est d’ailleurs cette ambiance qui a fait germer en vous cette envie de journalisme de sport ? Vos frères vous imposant le multiplex de foot le samedi alors que vous vouliez regarder Buffy…
C’est vrai ! Et je vais vous dire un truc assez drôle. En ce moment, je cherche un nouvel appartement avec mon amoureux et la première chose qui compte pour moi, c’est à quoi vont ressembler les soirées foot quand on sera installés. Où on met le canap’ ? Les pizzas ?
On vous a vu animer récemment le RFM Music Show sur C8, c’est une nouvelle piste de carrière ?
J’ai adoré le faire. Devant 25 000 personnes, c’était marrant, alors pourquoi pas ? Mais ce qui compte pour le moment, c’est le Canal Sports Club !
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Photo en Une © Guillaume Lechat
À suivre
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