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Shani Bru, palpitante skateuse

Vice-championne d’Europe dans la spécialité du « bowl », à 21 ans, Shani Bru est clairement la Française qui monte sur la scène mondiale du skate.

Le 10 février 2020

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Nager. Pédaler. Courir. Et recommencer. Encore et encore jusqu’à surpasser la concurrence. Pousser. Sauter. Tomber. Se relever. Et recommencer. Encore et encore jusqu’à rentrer une nouvelle figure. Du triathlon, le sport familial pratiqué par ses parents, sa sœur et elle-même, au skate qui est devenu son « job », Shani Bru, la nouvelle coqueluche de la scène française, a conservé une exigence et une envie constante de progresser, de s’améliorer. Et ce bien que le skate soit considéré comme une pratique à part où deux camps peuvent parfois s’opposer : les compétiteurs qui n’hésitent pas à se mesurer partout dans le monde au fil des événements dédiés et les autres, puristes de l’esprit original qui ne se voit qu’arpenter les rues en se confrontant… au mobilier urbain. Une spécificité qui colle aux sports de glisse (surf, snowboard, etc) depuis les années quatre-vingt mais qui ne perturbe pas d’un iota la jeune femme en lice pour aller décrocher dans les mois à venir une place pour les JO de Tokyo de 2020 : « Les JO, c’est ce qu’il y a de plus haut dans le monde du sport. Ce serait un Graal pour moi d’y aller, même si je suis jeune et que j’ai déjà fait pas mal de grosses compétitions. J’y pense tous les jours quand je m’entraîne. Venant d’une famille de sportifs, ça représente beaucoup… Et s’il y a des personnes dans le skate qui sont contre les compétitions, qui ne veulent pas aller dans des skateparks ouverts ou dans des lieux privés, et qui préfèrent être en ville, je peux totalement le comprendre. Moi, les JO sont clairement mon objectif, j’ai des sponsors qui m’accompagnent et je m’entraîne tous les jours pour réussir à décrocher ma qualification. »

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Pourtant, c’est de manière fortuite que la jeune femme s’est prise de passion pour la discipline. Le temps, pas si lointain des premières sorties sur le vieux skate maternelle « trouvé dans le garage », semble ainsi d’une autre époque pour la Bergeracoise qui étudie désormais en STAPS à Bordeaux entre deux voyages à l’étranger pour ses compétitions. « J’ai commencé par juste me déplacer avec. Et vers mes 15 ans, un skatepark a été construit dans ma ville. Ce qui s’est passé, c’est que comme moi je ne trainais qu’avec des garçons, je me suis retrouvée à y aller tous les jours avec eux. Et puis j’ai pratiqué régulièrement. J’ai rencontré mon copain, Alex, avec qui je suis toujours, comme ça, et comme il faisait des compétitions, j’ai aussi voulu en faire rapidement. J’ai accroché direct car j’avais déjà ce côté sportif avec le triathlon. J’ai progressé très vite donc c’était très motivant d’autant qu’il a beaucoup partagé ses connaissances avec moi. » Championne de France 2015 à 16 ans, la brune qui roule désormais pour Van’s, Sector9 et Dickies, se fait donc vite repérer et gravi les échelons les uns après les autres jusqu’à faire partie du groupe France. Vice-championne d’Europe en 2017, Shani Bru vit à fond sa passion avec une philosophie très zen: « Je m’entraîne tous les jours par plaisir, personne ne m’oblige à skater, personne ne me dit comment faire. C’est ce qui me plait. J’ai une vraie liberté là-dessus. Et si je me lève un matin et que je ne me sens pas très bien ou fatiguée, que je sens que ça ne va pas être une bonne journée, je n’y vais pas, c’est aussi simple que ça. Après ça n’arrive pas très souvent d’autant que j’ai des journées bien chargées quand je ne voyage pas sur les compétitions. Typiquement, j’ai cours le matin avec des aménagements spécifiques en raison de mon statut – je suis en 3e année de fac de sport pour devenir prof –, le midi je fais un break pour déjeuner, je travaille sur ma préparation physique, je m’étire et l’après-midi je pars m’entraîner à partir de 14 h 30/15 h. Je peux y passer la fin de journée et ensuite rentrer. Et le soir, je travaille mes cours. Ce que je fais aussi beaucoup dans l’avion quand je dois voyager. »

 

Avec un style très cool et technique sur sa planche, à travers ses vidéos et photos, la Sudiste démontre que le skate féminin n’a pas fini de faire parler de lui. Sans se voir porte-drapeau de quoi que ce soit « Nisha », comme l’appelle ses proches, glisse : « Il y a une très bonne évolution du niveau dans la discipline. Et quand il y a un événement, il y a les filles et les garçons, avec des récompenses qui sont les mêmes la plupart du temps. Du coup, ça donne envie à plus de filles de participer et mécaniquement, il y a un cercle vertueux qui se met en place. À titre personnel, je n’ai pas vocation à inspirer des gens car il y a des filles bien plus fortes que moi au niveau mondial. Mais après si je suis dans un skatepark et que je vois une petite qui hésite à y aller, je suis plutôt du genre à parler avec elle pour la motiver. Je ne cherche pas à passer de grands messages mais je dis toujours que je suis à ma place et que c’est normal que des filles fassent du skate. »

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Humble et inspirante, la rideuse peut néanmoins se targuer d’avoir arpenter nombre de spots réputés de la discipline et enchaîner les destinations incroyables à seulement 20 printemps : le Brésil, la Chine, Bali, les États-Unis ou encore une grande partie de l’Europe ont défilé sous ses roulettes. L’intéressée : « Je bouge quasiment tout le temps et j’ai la chance d’aller dans des endroits très différents. C’est très intéressant parce que plus je visite de lieux pour skater, plus je progresse, car on n’a pas forcément les meilleures infrastructures en France. Ça permet de réfléchir autrement sur ma pratique. Et puis, évidemment, l’attrait de la compétition mondiale, c’est que tu peux découvrir les cultures sur place. Même si je voyage parfois seule… Dans ces moments-là, j’aimerais pouvoir partager ça avec mon copain. J’espère que ça sera plus le cas dans l’avenir. »

 

En attendant, Shani Bru travaille d’arrache-pied pour briller sur le circuit mondial avant d’envisager les JO, avec le sentiment de s’épanouir constamment : « C’est le truc passionnant avec le skate. Il m’apporte une réelle confiance en moi car je bosse sur des mouvements assez difficiles. Et quand je les accomplis, c’est une grande satisfaction. Je mesure les efforts effectués. Ce qui est important, c’est de savoir prendre le recul nécessaire par rapport à cela car il y a des échecs à l’entraînement, en compétition aussi, mais derrière, une nouvelle figure maîtrisée, c’est un réel accomplissement. »

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Retrouvez l’intégralité de cet article réalisé par Antoine Bréard dans le Volume 6 des Confettis, toujours disponible