Natacha Birds, fleur parmi les fleurs
Suivant son coeur et ses passions, Natacha Birds s'est imaginée un univers romantique dans lequel elle nous convie depuis plusieurs années. Graphiste devenue artiste et influenceuse presque par la force des jolies choses l'enchanteresse pense les réseaux comme un théâtre où sa créativité fait le show. Rencontre.
Natacha, cela fait maintenant dix ans que l’on peut suivre vos aventures du quotidien sur les réseaux sociaux. D’abord sur votre blog, puis sur Youtube et par la suite sur Instagram. En parallèle de l’évolution de ces différents terrains d’expression, la webdesigneuse que vous étiez est devenue une artiste à part entière. Comment avez-vous vécu tout ce cheminement ?
Étonnement, de manière très naturelle. Je me suis rarement posée des questions sur mon processus ou sur mon image. J’ai un détachement, depuis le début, sur ce que je montre et sur ce que je suis.
Se chercher et se trouver sous le regard des autres ne met-il pas une certaine pression ?
Le regard des autres m’impressionne moins quand il est numérique que lorsqu’il est réel. Je crois que je fais plus confiance à celle que je suis sur Instagram qu’à celle que je suis dans mon miroir. C’est presque un jeu d’actrice…sauf que c’est véritablement moi ! Un moi que j’ose moins montrer à mes ami(e)s. Et ça me donnerait sans doute le vertige que de convertir les personnes qui me suivent sur les réseaux en personnes physiquement présentes. Réfléchir et analyser me dessert la plupart du temps, j’aime m’écouter et agir, je crois qu’il n’y a pas meilleur guide que l’instinct.
Avez-vous le sentiment qu’un lien particulier et privilégié s’est créé entre vous et vos abonnés, justement car ils ont pu suivre votre histoire ? Votre évolution artistique, vos déménagements, vos questionnements…
Je me rends compte que j’ai une chance incroyable d’avoir des personnes qui me soutiennent et qui sont
réceptives à mes envies et nouvelles ambitions. Je m’aperçois, encore plus depuis que j’ai décidé de montrer mes productions comme mes peintures, que beaucoup d’artistes produisent en espérant un jour être simplement vus et que moi j’ai cette chance, ce luxe, que de savoir que quand je montre je suis vue. Ça va au-delà de la notation des « likes », on me voit. C’est ce qui me donne envie à chaque fois de produire.
Vous êtes illustratrice, peintre, photographe, monteuse vidéo et même actrice si l’on peut dire car vous conter des histoires en vous mettant en scène dans la peau de personnages que vous imaginez. Ces personnages sont des facettes de la femme que vous êtes. Plus que de narrer votre vie, vous donner corps à votre créativité. Pourquoi ce mode d’expression ?
J’aime me servir de moi-même pour raconter une photo, être un prétexte, une mesure, une échelle humaine. Ça revient à ce que je disais tout à l’heure, je crois, du moins ça prend tout son sens au moment d’une création. Je suis un genre d’objet qui bouge et qui me sert à raconter, ça pourrait être moi, ça pourrait être une autre, mais c’est plus facile de me raconter ou de raconter mes facettes en utilisant mon corps. Il y a un côté performance que j’aime beaucoup. J’ai envie d’utiliser les réseaux sociaux pour montrer plus ce que je produis, plutôt que celle que je suis, c’est souvent très lié mais j’y vois tout de même une frontière.
Vous ne vous ressentez pas leadeuse. Vous aviez d’ailleurs fait une vidéo à ce sujet en expliquant que vous admiriez les « girlboss » sans pour autant en être une. Malgré cela, vous avez une incontestable influence, autre terme pour dire « pouvoir ». Considérez-vous que cette influence vous confère également des responsabilités vis-à-vis des personnes qui vous suivent ?
Je ne rêve plus d’être la numéro une dans une catégorie ou une autre, premièrement parce que je n’y arriverais pas et deuxièmement parce que je ne suis pas certaine que ça me rende plus heureuse que je le suis actuellement. Être « plus » m’intéresse de moins en moins, j’estime avoir assez demandé et avoir assez. Je veux juste que ce que je vis depuis ces dernières années dure le plus longtemps possible. Je suis consciente d’avoir une influence et elle m’aide beaucoup à me réaliser, à approcher certains projets. Il n’est pas toujours évident de l’user de manière correcte mais j’essaye d’être droite, j’essaye de l’utiliser pour montrer que l’art est, à mon sens, primordial. Nous avons une responsabilité mais il est compliqué de mener plusieurs combats à la fois en étant crédible et renseignée, et on doit souvent se protéger. J’ai décidé que l’art était un de mes combats, à ma manière. Si je donne envie d’aller plus souvent au musée, de se renseigner sur des études liées à l’art ou de se lancer dans un domaine artistique, j’ai la sensation d’avoir gagné une petite bataille.
Les algorithmes des réseaux sociaux, notamment Instagram, poussent les créateurs à créer toujours plus de contenus, à utiliser tous les formats et outils à disposition dans une logique de grande productivité. Adaptez-vous votre stratégie en fonction de ce constat ?
Plus maintenant. La productivité est vraiment quelque chose qui m’anime et me plait. J’aime aussi beaucoup la performance. Je produis pour moi, pour mon effervescence, plus que pour nourrir Instagram. Tout comme manger donne faim, créer donne de l’inspiration. C’est une machine qui n’a plus forcément besoin de likes pour être « boostée ». J’ai ce discours car, aujourd’hui, j’ai la sensation d’avoir moins besoin des likes : les marques avec lesquelles je travaille ne viennent plus me voir pour cela et j’ai moins d’efforts à faire qu’une personne qui se lancerait sur l’application, donc c’est un discours plutôt facile à tenir dans ce sens. Je sais que je répondrais différemment à cette question si elle avait été posée il y a encore trois ans de cela.
Depuis quelques années, vous affirmez une certaine signature artistique. Niki de Saint Phalle avait ses Nanas, vous Natacha, vous avez vos Femmes-Fleurs. Racontez-nous qui elles sont, comment vous en êtes venue à les dessiner et ce qu’elles disent de votre rapport à la sororité ?
J’aime énormément les Nanas de Niki de Saint Phalle, tout ce qu’elle représente et son parcours. Sa carrière est incroyable… Merci pour cette comparaison portant sur « nos personnages ». Dans mon esprit, chaque femme est une fleur. Il y a la notion d’esthétisme et de poésie, mais aussi celle de la pluralité, de la diversité. Comme les fleurs, nous possédons toutes nos particularités charnelles et émotionnelles, nos singularités, nos forces et nos failles. En se rassemblant, les femmes-fleurs unissent leurs énergies, composent des bouquets et se protègent les unes les autres. J’avais envie d’un concept qui révèle la féminité tout en préservant la femme, et qui s’apparente à un conte ou à une légende.
Les Femmes-Fleurs font partie intégrante de votre univers. Elles sont votre emblème. Est-ce cette galaxie onirique, poétique et romantique que les marques viennent chercher quand elles collaborent avec vous ? Comment s’organisent d’ailleurs ces collaborations ? Les marques viennent-elles vous soumettre un projet que vous développez selon votre patte créative par la suite ?
Aujourd’hui oui. De plus en plus. Et il n’y a rien qui me rend plus heureuse professionnellement que cela. Je me sens épanouie et là où je veux être. Je fais le métier que je rêvais de faire petite fille. Que demander de plus ? Quand une marque vient vers nous (mon agent et moi), elle nous explique le projet, les envies, l’univers de la maison, le besoin. De notre côté, on exprime aussi nos conditions. Si tout est en phase alors je peux proposer mes idées et les mettre en couleurs sur papier. C’est un véritable échange pour respecter les deux univers, c’est un challenge que j’adore ! Surtout sur de la co-création.
Vous êtes souvent devant l’objectif sur les photos et vidéos mais, quand vous vous exprimez, vous utilisez « nous ». Vous faites référence à votre mari qui est votre collaborateur dans vos différents projets. Travailler à deux, est-ce une évidence ?
Depuis un an, mon mari se lance à fond dans son univers : il peint, tatoue, fait de la céramique, mais on travaille toujours ensemble, dans le même endroit. On se croise sur certains projets, il m’a soutenue depuis le tout début (c’est lui qui m’a mise sur WordPress, qui a fait mes photos durant de longues années…). Je ne peux pas m’attribuer tout le mérite ou le dissocier de mes projets. Tous les projets qu’on lance sont toujours à deux. On travaille ensemble depuis dix ans et tout est évident quand on est ensemble. On s’est rencontrés à 16 ans et je pense qu’on a quelque part eu les mêmes aspirations, rencontres, questionnements. On se ressemble beaucoup dans nos envies, ça facilite le travail à deux.
Comment nourrissez-vous votre imagination ? Avez-vous une méthodologie pour stimuler votre créativité ?
La curiosité est pour moi la meilleure méthodologie. Regarder ce que font les autres, les autres domaines artistiques qui pourraient répondre à son propre univers, puiser dans les films, les animations japonaises. Suivre son propre fil rouge et le nourrir. Trouver son univers est le plus compliqué, mais une fois qu’il nous plaît à nous, il existe mille façons de le nourrir et de le décliner. Ça devient presque un jeu (avec ses contraintes et apprentissages) ! Ne jamais cesser de créer même si ce n’est que dans sa tête ! Et chercher dans sa zone de confort les choses qui nous font vibrer.
Cette rencontre avec Natacha Birds est tirée de notre revue CONFETTIS Volume 11
À suivre
Retour sur la soirée de lancement de notre revue Volume 14