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Saint Michel en interview

À l’occasion de mon partenariat avec l’association Le Fair (souvenez-vous) j’ai pu rencontrer Philippe et Emile du groupe Saint Michel. Ils

Le 28 novembre 2013

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À l’occasion de mon partenariat avec l’association Le Fair (souvenez-vous) j’ai pu rencontrer Philippe et Emile du groupe Saint Michel. Ils ont sorti récemment leur premier album Making Love & Climbing qui regorge de pépites colorées et envoutantes. Un vrai rayon de soleil !

C’est chez Columbia, leur maison de disque, que j’avais rendez-vous avec eux. Ils m’ont rapidement mise à l’aise et la discussion a filé. Vous allez voir, ils ont des choses à dire :

saint michel band


Dans votre musique, on ressent un peu un côté « contrées lointaines et ensoleillées. ». Comment vous l’expliqueriez ?

Saint-Michel : Je pense qu’on cherche à faire du « beau », même si ça peut paraître un peu naïf ou dépassé de dire ça, alors qu’aujourd’hui, beaucoup sont dans le concept et les effets, avec des grosses guitares, des tempos ultra rapides, de la techno assez violente,… Nous on essaie de faire du beau avec quelques petites notes, les unes avec les autres, qu’on trouve jolies et touchantes. On ne veut surtout pas être trop démonstratifs, on préfère se voir reprocher d’être rêveurs. On essaie de faire les choses finement, de jouer sur des détails.

saint michel band

Quel est cet univers que vous avez construit et que vous essayer de retranscrire ?
Justement, avec cet axe qu’on vient de donner, ça fait déjà la séparation avec beaucoup d’autres types musicaux, qu’on ne fait pas parce qu’ils ne nous procurent pas la sensation qu’on recherche. Nous on est dans des jeux d’association.

Notre univers : on aime qu’il y ait du solaire dans les choses, même si ce n’est pas le cas de toutes les chansons dans l’album.

Certaines autres peuvent être de nuit (la chanson d’ouverture par exemple) mais restent quand même colorées. D’ailleurs dans l’album, il y a une sorte de chemin qui va vers la douceur et la lumière. En fait, on vit nos chansons comme ça, on les classe comme dans le déroulement d’une journée. Cela étant dit, c’est difficile pour nous de définir notre musique avec des caractéristiques musicales.

Vous travaillez donc toujours autour de cette ligne directrice ?
Oui, notre univers, sans qu’on se le dise, nous donne un cadre naturellement. Mais on ne le réalise qu’en en parlant, ce n’est pas évident à analyser. En fait, un élément hyper important chez nous, c’est que rien n’est prémédité, ni l’écriture, ni la production… On se confronte à la matière musicale, jour après jour. Tout se fait comme ça. On lit très mal les notes, donc on ne peut pas travailler sur partition. Notre seul moyen de valider un morceau, c’est de le vivre : le jouer, l’enregistrer puis l’écouter. Nos goûts musicaux sont partagés pour la plupart, donc la validation se fait presque d’un instinct commun. Dans le même temps, il arrive qu’on se tiraille, quand l’un veut placer des sons auquel l’autre n’aurait pas pensé, on se fait un peu bousculer et on finit par accepter.

Vous qui ne préméditez rien, justement, après vos deux premiers EP, comment vous avez abordé cet album ?
On projette un vague champs de travail. Là par exemple, on parle déjà du deuxième album et aussi du live du premier album : comment le défendre sur scène ? Pour cet album, on a tout fait seulement à deux, sur un écran d’ordinateur 13 pouces, tout en numérique, enfermés dans une petite pièce pendant un an. Ça nous a prit la tête à la fin.

On ressent le besoin de se trouver dans un espace plus grand, d’envoyer notre son dans les airs, entourés de potes.

Notre processus de création fonctionne un peu comme ça : on use une corde à fond, puis quand on en a marre, on  change tout le système en interne. On aime le côté chaotique de l’itinéraire artistique. On trouverait cool si, dans cinq ans, on sort un album perché avec un orchestre symphonique par exemple ! On aimerait vraiment pas faire 5 fois le même album. La pire des critiques pour nous serait de s’entendre dire « Saint-Michel, c’est toujours la même chanson. ». Même au sein d’un même album, on essaie d’y fait attention.

Pour le live de notre premier album, on doit adapter certaines choses, construire notre équipe live. On a joué avec différents musiciens et on doit réfléchir à ce que tel ou tel instrument nous apportera, puisqu’au départ, le groupe, c’est juste Émile et moi. Alors on se demande, si on doit plutôt prendre un saxo ou un synthé… C’est un casse-tête assez douloureux avec Saint-Michel. Nous venons de groupes plus traditionnels, avec guitare-basse-batterie, où ce problème ne se pose pas.

saint michel live

Ces décisions sur la configuration du live dirigent ensuite votre style musical. Vous voulez aller plutôt vers de l’électro ou de la pop ?
Jusqu’à présent, nous n’avons jamais tourné qu’à deux sur scène. Nous avons toujours au moins un batteur. Ça viendra peut-être, on pense à l’avenir à présenter des formules à deux, plus électro. Mais c’est super agréable pour nous de se retrouver avec des musiciens. Rien que le côté humain : quand on part en tournée, on passe du temps ensemble, on parle, on vit dans le même hôtel, on fait les trajets dans le même bus,… C’est important de vivre avec des gens la journée pour jouer avec eux le soir. Tu n’as pas le même rapport avec ton ordinateur qu’avec ton pote ! Donc on réfléchis à ces deux configurations en parallèle. D’un côté, on travaille la formule à deux, qui élargirait le spectre des propositions qu’on peut nous faire. Il s’agirait plus de DJing, à réserver sur nos chansons de nuits. De l’autre côté, on souhaite rester sur notre formule alive « de base ». Et pour nous, un concert Saint-Michel, ce doit être un groupe. On est musiciens à l’origine, pas DJ, donc on y tient. C’est d’ailleurs tout notre travail du moment. On veut fidéliser cette équipe, autour de nous, pour avoir un vrai groupe « live » constant, comme celui de Radiohead qui a tenu 15 ans. On considère qu’on ne peut pas intervertir un musicien par un autre car chacun est  une composante de notre son. Qui sait, peut-être même que demain on présentera Saint-Michel comme un groupe à plusieurs :)

C’est quoi le point de départ du groupe Saint-Michel ?
Justement, c’est drôle ce qu’on vient de dire avant parce qu’au départ, on a crée Saint-Michel suite au ras-le-bol des bandes à 5. Dans notre précèdent groupe, tout partait en « eau de boudin », tout le monde se retournait contre tout le monde. On s’est rapprochés et on a voulu rester deux en réaction à cela. On s’est dit : « Basta les groupes nombreux ! On prend des boîtes à rythme, on sort des synthés, on appuie sur des boutons et le son sort ! ». On imaginait quelque chose de ludique comme ça. Au final, on est rattrapés par l’histoire, qui recommence, car on veut tout jouer sur scène et c’est impossible à deux.

La fin de notre précédent groupe nous rappelle une interview de John Lennon dans lequel il raconte la fin des Beatles. L’ambiance était tellement pourrie qu’ils en étaient rendus à reprocher à l’autre d’avoir fait exprès de rater sa prise de tambourin pour gâcher une chanson ! L’anecdote est marrante à rapporter mais pour nous, l’usure est vraiment quelque chose de terrible dans un projet musical. C’est comme un couple qui s’engueule sans avoir eu le temps de construire quelque chose.

Vous évoquez la relation au sein d’un couple. Justement, pourquoi vous qualifiez votre pop de romantique ?
Ça révèle bien le côté délicat et féminin de notre musique. Cette idée là nous plaît. Elle rejoint celle de toucher les gens par des sons simples, sans être démonstratifs.

On n’est pas du genre à se mettre à poil dans une vidéo pour susciter l’intérêt et créer le buzz. Parfois, on nous traite de « bisounours » !

Est-ce que ça correspond à votre origine Versaillaise ?
C’est peut-être un peu cliché de dire ça. Enfin, c’est vrai que le courant musical qui a émergé à Versailles est assez fin, délicat. On retrouve cette sensibilité différente, cette forme d’élégance réservée dans la musique de Phoenix ou de Air.

Votre musique nous fait voyager aux États-Unis, pourtant vous venez de Versailles… Et en même temps, on parle de Saint-Michel ? Pouvez-vous explicitez le choix de ce nom ?
Justement, pour tous les américains, une idée de la France, c’est de venir visiter Paris et donc c’est « Notre-Dame/Saint-Michel ».On voulait que notre nom sonne français pour le reste du monde. C’est clairement notre axe : « le made in France ». On y a réfléchis, avec le fait qu’on chante en anglais, on donne l’impression nous aussi d’être tombés dans l’uniformisation de la société. En plus, notre musique est typée musicalement « anglosaxonne ». Contrairement à ce que ça pourrait laisser croire, on adore la langue, la littérature française.

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On ne fait absolument pas référence à l’îlot. On a depuis recoupé avec quelques éléments historiques autour de ce nom et on trouve notre choix très cohérent. Le Mont-Saint-Michel fait face aux États-Unis, ça évoque le voyage, un des bateaux créés par Jules Verne pour faire le tour du monde portait aussi ce nom, il y a l’histoire du dragon terrassé par Saint-Michel… Tout se tient !

C’est Alex Gopher qui a mixé votre premier album. Comment ça s’est passé ?
Emile : C’est drôle parce que je ne le connaissais pas. On s’est vite rattrapés.
Philippe : Ça a été une formidable rencontre humaine et musicale. On s’est très bien entendus, il nous a conseillé sur plein de choses et a fait  un  travail remarquable sur l’album.

C’est vous qui avez été le chercher ?
Non, pas du tout ! C’est notre producteur qui lui a donné notre démo. Sa vision au départ devait être de travailler le filon « Versailles, la ville ». Nous on n’était pas du tout connectés au réseau Versaillais avant Gopher, bien qu’on y ait toujours vécu. C’est à partir de cette collaboration, qu’on a pu rencontrer Phénix et les autres groupes. Tout se passe par le biais d’un studio, autour duquel s’est constitué une petite famille. C’est un phénomène génial. C’est un groupe de copains qui arrivent à s’inspirer les uns les autres et à s’élever, comme au cinéma, où on s’aperçoit qu’il y a une génération de comédiens qui émerge, qui ont en fait été formés ensembles. C’est le réseautage dans le bon sens. Comme nous le dit notre producteur, pour qu’un projet marche, il faut créer une histoire. Nous qui nous sentions un peu isolé, ça a été hyper touchant d’être reconnu par des gens comme ça, qui nous ont accordé du crédit et de l’attention.

Ce qui est formidable et drôle, c’est que maintenant, on passe des vacances avec eux, alors que jeune, on collectionnait leurs vinyles ! Alex est quelqu’un de vrai, très touchant. C’est un joli exemple pour nous. Il n’est pas tombé dans les clichés du star system, de l’artiste défoncé et tout. Il a construit une famille en parallèle de sa carrière.

Quelle musique écoutez-vous en ce moment ?
Emile : Moi j’écoute le dernier album d’Arcade Fire, superbe !
Philippe : Personnellement, je n’arrive pas à écouter tout ce qui vient de sortir, j’ai peur que ça m’influence ! En fait j’ai pris une habitude : je vis tout à retardement, de 6 mois à 1 an. J’ai fait un peu l’impasse sur Daft Punk là par exemple. Heureusement, Milou écoute tout ce qui sort et le partage avec moi au passage. Je commence à m’intéresser à Jon Hopkins, j’aime beaucoup. Et en ce moment, bien qu’il n’y ait aucune actualité, j’écoute énormément Björk. C’est vraiment une artiste que j’adore, elle est magique. Elle me fait penser au Japon : c’est la technologie et la tradition avec ses chœurs inuits, ses machines fabriquées artisanalement. Ce qu’elle incarne est très troublant.

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Découvrez leur premier album Making Love & Climbing.