Découvertes

Plongée dans le monde des algues

leurs vertus aux chercheurs qui les interrogent. Le temps d’un article, immergeons-nous dans l’univers de ces êtres vivants à l’immense potentiel. Trésors nutritionnels, biocomposants, capteurs de CO2… les algues ont tant à partager. Découverte.

Le 16 octobre 2023

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Qui sont les algues ?

L’océan est un puits de mystères. Aussi, à ce jour, les scientifiques affirment que nous sommes loin d’avoir répertorié l’ensemble des algues. Cependant, il est possible de les répartir selon deux grandes familles : les microalgues et les macroalgues. Microscopiques, comme leur nom l’indique, les microalgues ne se voient pas à l’œil nu. Elles sont cependant observables lors d’une efflorescence, c’est-à-dire quand elles sont regroupées en colonie par milliers ou millions, à la surface de l’eau. Les macroalgues sont, elles, tout à fait visibles à l’œil nu. On peut les voir sur la plage quand elles s’échouent ou dans la mer, suivant la danse des vagues.

Parlons chiffres. On considère qu’il existe plusieurs centaines de milliers voire plusieurs millions d’espèces de microalgues, mais seules 47 000 d’entre elles ont été décrites et répertoriées. Par ailleurs, il faut savoir que 3 espèces représentent aujourd’hui 80 % de la production. Pour les macroalgues, la fourchette d’estimation est très large : entre 30 000 et plusieurs millions ! Là encore, seule une petite proportion est connue et décrite : environ 10 500 espèces. Parmi celles-ci, 500 sont utilisées par l’homme. Hotspot de biodiversité, la Bretagne recense 800 à 900 espèces de macroalgues. Mais alors, comment expliquer la faible proportion d’espèces exploitées? Stéphanie Pédron, directrice générale du CEVA, le Centre d’Étude et de Valorisation des Algues en Bretagne nous livre des explications : «Les algues décrites, mais non exploitées n’ont pas encore été domestiquées. Pour les domestiquer, il faut connaître leur cycle de reproduction, isoler les gamètes mâles et femelles, assurer leur reproduction et maîtriser leur croissance. Une fois l’algue domestiquée, il est nécessaire d’identifier ses vertus en fonction des domaines d’application et cela peut représenter des dizaines d’années de recherches. Il s’agit véritablement d’un temps long. De fait, le champ exploratoire étant vaste, l’investissement que cela demande est très important.»

Des bienfaits qui se conjuguent au présent et au futur

Pourtant, les algues méritent bien que l’on s’y attarde. Au CEVA, Stéphanie Pédron et ses équipes étudient, entre autres, la manière dont les algues peuvent se substituer aux ressources fossiles et molécules terrestres pour répondre aux enjeux futurs : «Parmi nos pistes de recherches et d’application, nous explorons le potentiel des algues comme biomatériaux pouvant remplacer partiellement ou totalement le plastique par exemple. Nous savons aussi que les algues peuvent réduire la quantité de carbone dans l’atmosphère. Elles sont capables de consommer plus de CO2 que les arbres en raison de la vaste surface qu’elles peuvent recouvrir, de leur croissance rapide et de leur culture mieux maîtrisable que celle des plantes. Nous avons aujourd’hui la possibilité de cultiver une grande quantité d’algues dans des bioréacteurs afin de générer une biomasse participant à la dépollution de l’atmosphère. Et, dans un second temps, nous pouvons tendre à faire sécher cette biomasse pour qu’elle devienne du biocarburant.» Dans cette logique, il est donc envisageable de considérer les algues comme une base pour les matériaux futurs. La spécialiste ajoute alors : «Il n’y aurait aucun problème à développer des matières hydrophiles et hydrophobes de substitution si nous avions des volumes suffisants à valoriser – l’un des enjeux aujourd’hui étant le développement à l’échelle européenne de la culture des algues en mer afin d’augmenter le volume de ressources disponibles.»

Outre leur capacité à se transformer en matière vertueuse, les algues sont également très intéressantes dans le cadre de la végétalisation de l’assiette du consommateur, pour une alimentation plus durable. En effet, les microalgues offrent généralement un apport qualitatif en protéines, notamment. Elles ont également une forte teneur en fibres, en minéraux, en vitamines et en lipides.

Une ressource à protéger et à valoriser

Une question subsiste tout de même si l’on veut éviter les travers dramatiques de la culture intensive : comment préserver le milieu marin tout en exploitant le potentiel des algues pour améliorer nos usages? Stéphanie Pédron s’attèle à répondre de façon clairvoyante : «De mon point de vue, l’algoculture raisonnée consisterait en une algoculture en mer ou à terre (dans des bioréacteurs) sans aucun impact sur l’environnement, sur l’écosystème dans lequel elle se situe. Pour cela, il est important de structurer ces cultures dans des zones adaptées et de favoriser l’aquaculture multitrophique intégrée, c’est-à-dire la culture en mer d’algues avec des coquillages et des poissons au même endroit. Cela permet aux aquaculteurs d’avoir plusieurs sources de revenus et, en même temps, de garantir une filtration, par les algues, du milieu et des excès de matière organique produite par les excréments de poissons. L’idée étant donc de recréer un écosystème favorable à tous les vivants et à l’économie.»

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©Unsplash

Le portrait de Stéphanie Pédron

Directrice générale du CEVA, le Centre d’Étude et de Valorisation des Algues, Stéphanie Pédron dédie son quotidien aux algues. Elle nous dévoile pourquoi : «Je suis biologiste marine de formation, la mer a toujours suscité mon intérêt. C’est une réelle vocation, car je souhaitais déjà faire ce métier quand j’étais adolescente. J’ai d’abord travaillé autour des poissons et des coraux puis je me suis spécialisée dans l’étude des algues au fil de mon parcours professionnel. C’est véritablement dans le cadre de mon travail à l’Agence de l’eau Seine-Normandie que j’ai approfondi ce domaine de recherche. À l’époque, j’étais chargée de l’étude du bon état écologique des eaux de gouttière et de transition à l’échelle du bassin Seine-Normandie. Par ces missions sur les zones littorales, j’ai commencé à travailler sur les microalgues et macroalgues, notamment sur les phénomènes de prolifération qui pouvaient se révéler nuisibles aux professions conchylicoles, à la baignade et/ou à la consommation. Et finalement, plus j’en apprenais sur les algues, plus j’avais envie de me focaliser sur leurs vertus et applications – parfois exceptionnelles – dans de nombreux domaines. Car non, les algues ne se résument pas aux espèces médiatisées lors des marées vertes ! À mes yeux, elles sont une potentielle source de changements pour notre avenir.»

Retrouvez cet article sur les algues dans le Volume 12 de notre revue Les Confettis.