Tendances

L’appel des bois

Si les arbres ont un langage, sont-ils en train de nous prévenir ? Développement personnel, avenir collectif… Promenons-nous dans les bois pour voir si la réponse n’y est pas.

Le 29 janvier 2020

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Déterrer le mystère

La forêt a toujours été un environnement propice à la fantaisie. Les légendes autour de la forêt mythique de Brocéliande, citée dans de nombreux textes, ne datent pas d’aujourd’hui. L’atmosphère, en clair-obscur, qui règne sur ce royaume de feuilles et de mousses insuffle aux esprits créatifs des chimères. Les bois sont des scènes de crime de choix pour nombre de films d’épouvante ou de thriller. Mais il semble que la forêt ne tienne plus en place. Alors que celle-ci se posait en décor inanimé jusqu’à présent, elle se met à transcender l’écran et à en devenir presque l’héroïne. Dans la série policière Zone Blanche créée par Mathieu Missoffe, les arbres, de leurs troncs jusqu’au bout de leurs branches, semblent posséder par un esprit délibérément hostile. Ces arbres sont aussi très actifs dans la série désormais incontournable : Stranger Things. La forêt devient un lieu de transition entre deux mondes (un clair, l’autre obscur, là encore). Elle fait le lien, elle passe le message. D’autres productions Netflix mettent les cimes au premier plan. Dark et Ozark sont empreintes de ce magnétisme sylvicole. Dans les nombreux recoins ombragés, il est facile d’enfouir des secrets, d’oublier le modelage de la civilisation, de retrouver sa part sauvage. Quelle ironie qu’un endroit, si à l’abri des regards, soit tant sous le feu des projecteurs. Il faut dire que les populations citadines que nous sommes commencent à étouffer dans les labyrinthes de béton. Au regard de la saturation immobilière des grandes villes comme Paris, Lyon ou Marseille, il n’est pas étonnant que les bois soient l’objet d’une fascination renouvelée.

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L’herbe est plus verte dans les bois

Quand le métro devient une crainte et l’open space une angoisse, même la forêt et ses craquements prennent des airs de jardin d’Eden. L’écorce se fait bouclier face au stress envahisseur et soudain l’inconnue et nébuleuse forêt se veut terre d’accueil. Alors foisonnent les retraites de digital detox et le tourisme earth friendly des cabanes perchées. Quand chaque mètre carré de cette Terre a déjà été conquis, photographié, reposté et liké, qu’y a-t-il de plus précieux qu’un coin de verdure vierge de congénère bipède ? L’autarcie devient tendance, en témoigne le premier salon du survivalisme ayant eu lieu à Paris en mars dernier. Au cœur des conifères, le mot d’ordre est simple : pas de wifi, pas de problème. Seuls quelques influenceurs amateurs de sève comme Marti Gutfreund (@enchanted.forest) ou Hayley (@dayzea) prennent des selfies pour leurs communautés. Les autres se nourrissent des bonnes ondes végétales.

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Se débrancher pour se rebrancher

Là où les mauvaises langues (de bois) pourraient y voir un caprice, se cache peut-être un besoin. En effet, renoncer à l’ultra stimulante vie urbaine pour faire son nid dans les arbres ne serait-il pas un mécanisme de survie ? Nous qui cherchons le salut et l’éternité de notre société, ne serions-nous pas sur la bonne voie en empruntant le sentier des êtres vivants les plus paisibles et les plus vieux de l’histoire de la Terre ? Des esquisses de réponses se dessinent dans le best-seller qui a récemment témoigné de l’intérêt du plus grand nombre pour les forêts : La Vie Secrète des Arbres. L’auteur, Peter Wohlleben, est un forestier qui œuvre dans un domaine écologique, à Hummel, en Allemagne. Il laisse parler la sagesse des hêtres dans son œuvre et nous devrions en prendre de la graine. Alors que l’on attribue des qualités d’âme, de solidarité et d’amitié à l’humanité, il semblerait que l’on n’ait rien inventé. Comme l’explique ce témoin privilégié, les arbres d’une même espèce dans une forêt naturelle s’entraident. Si jamais un de leurs membres est souffrant, ses voisins bienveillants lui prodigueront par les racines une solution sucrée qui permettra à l’individu malade de recouvrir sa vigueur.

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Encore plus surprenant et inspirant, les arbres d’une forêt naturelle opèrent une redistribution des richesses. Une « famille » d’hêtres va équilibrer les ressources de chacun. Si le sol et la luminosité sont défavorables à l’un d’entre eux, alors les membres qui évoluent dans des conditions propices vont transmettre un mélange nutritif par les terminaisons racinaires. Pas de loi du plus fort chez les arbres, la pérennité de la forêt dépend du bien-être global des essences et non de la somme des intérêts particuliers. Aussi n’empiètent-ils pas sur l’espace des « concurrents » d’une autre espèce, ils développent leurs branches de manière à aménager leur zone de confort sans blesser l’autre. Véritables « logements sociaux », sur les branches, dans les troncs, sur les racines vivent de nombreuses espèces de champignons, d’insectes et d’animaux, tous architectes d’une biodiversité que l’homme a intérêt à préserver. Les arbres d’une même forêt ont d’ailleurs leur propre internet sous la forme d’un incroyable réseau de champignons qui relient toutes les racines de chaque individu. Par là, ils savent si l’un d’eux est attaqué par des parasites par exemple. Cette communication organique est malheureusement de plus en plus fragilisée par la main des hommes. Les plantes agricoles récoltées à haut rendement ne sont plus connectées aux autres et perdent donc le moyen de se prémunir contre les envahisseurs. Alors les insecticides redoublent et la santé de la Terre en pâtit.

 

Ainsi, peut-être serait-il bon de tendre l’oreille au langage avisé des arbres et de mimer leurs mécanismes pour traverser les siècles, à leur image.

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La balade des gens heureux

Une récente étude de l’université de Chiba au Japon a démontré que les promeneurs réguliers d’une forêt avaient un taux en cortisol, hormone principale du stress, 12 % inférieur à celui des citadins. Un constat qui s’explique par le bien-être ressenti par l’omniprésence de la pleine nature, mais aussi plus scientifiquement par la libération de terpènes et de phytoncides par les plantes. Ces composants chimiques stimulent les défenses naturelles des promeneurs à la manière d’un soin antibactérien naturel. Mais plus loin que ce partage bienfaisant, les bois participent à remettre les choses en perspective dans l’esprit du promeneur. Être entouré d’essences centenaires d’une hauteur sans égale, cela pousse à l’humilité. Observer ces forces végétales qui parcourent les décennies se portant mieux sans notre « aide » bouscule nos valeurs. Ode à la lenteur, à l’équilibre, à la différence, au biomimétisme, la forêt et sa biodiversité sont autant de clés qui nous permettraient d’ouvrir les portes d’un avenir plus fécond, nous enlevant à un destin d’âmes déracinées.

 

Retrouvez cet article dans le Volume 5 des Confettis, toujours disponible en boutique

 

Photos ©Maison Baluchon