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Camille Azoulai et Funky Veggie

Entreprendre pour engager un cercle vertueux, c’est la démarche de Camille Azoulai, co-fondatrice de la marque de snacks healthy Funky Veggie. Sa recette ? Saveurs et humour pour une consommation et un bien-être durables.

Le 17 avril 2020

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Quel genre de petite fille étiez-vous ?

J’étais une petite fille super créative, un peu solitaire, à imaginer mon univers.

 

Quel a été votre parcours scolaire ?

Je voulais faire une école d’art mais mes parents voulaient que j’ai un socle généraliste. Au lycée, j’ai donc préparé le concours de Sciences Po que j’ai passé en même temps que le bac. Et j’ai réussi ! J’ai fait ma licence là-bas et je devais clore ma troisième année sur une expérience à l’étranger. Je suis donc partie à Hong Kong faire une année d’échange et je suis complètement tombée sous le charme de l’Asie. J’ai décidé de prendre une année de césure à Shanghai. J’y ai appris le mandarin de façon intensive. C’était une formidable expérience qui a repoussé mes horizons.

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Durant votre cursus scolaire et vos voyages, vous vous imaginiez déjà à votre compte ou du moins dans l’entrepreneuriat ?

Pas du tout. Il se trouve que lors de mon retour en France, je devais passer mon master. J’avais candidaté à un double diplôme très spécifique entre Paris et Shanghai. Je pensais réellement passer le reste de ma vie en Chine. Je n’aurais jamais pensé que le cours d’entrepreneuriat (avec Jacques-Henri Eyraud, président de l’Olympique de Marseille) dans le cadre de mon master pourrait me faire changer d’avis.

 

Vous avez donc initié Funky Veggie durant vos études, comment cela a commencé ?

De retour en France après la Chine, j’ai traversé un moment un peu compliqué. Je suis revenue chez mes parents, j’étais en stage en agence et ça ne me plaisait pas. Je me rendais compte à ce moment-là que je m’étais tracée un chemin qui ne me correspondait plus. Mes études dans la communication qui devaient me porter jusque dans une grosse agence de communication occidentale en Chine ne me paraissaient plus en adéquation avec mes envies. Cela ne me nourrissait plus. Je n’étais pas bien et pour palier cet état, je faisais des activités qui m’animaient. Parmi ces activités, il y avait la cuisine… qui a fait naitre Funky Veggie. L’idée est née d’un cours sur l’entrepreneuriat. L’objet du cours était la création d’un « teaser » de projet. L’envie m’est venue suite à mon cheminement entre la France et la Chine. Là-bas, j’ai commencé à comprendre les liens entre nutrition et environnement et ceux entre nutrition et santé. De nouveau Parisienne, mon alimentation avait changé mais je ne voulais absolument pas me ranger dans la case de « la végan qui ne parle qu’avec des végans ». Je voulais partager une alimentation plus naturelle et plus végétale en jouant sur le côté décalé plus que militant. C’est comme ça qu’est née la mission de Funky Veggie : démocratiser le manger sain et végétal.

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Au départ, Funky Veggie devait proposer des recettes et finalement vous avez lancé une gamme de produits plus resserrée, c’est ça ?

En fait, à côté de ce cours sur l’entrepreneuriat, je faisais également des « start-up week-ends », c’est-à-dire des marathons où l’on monte et teste un projet d’entreprise. C’est là-bas que j’ai rencontré mon associé actuel. Il est venu vers moi en me disant qu’il adorait le projet, mais que mes chiffres étaient catastrophiques (rires) ! Comme il était, lui, plus spécialisé dans la finance, il s’est proposé de m’aider. Ainsi, l’idée qui paraissait la plus intéressante à ce moment-là était celle de paniers repas à préparer car elle ne demandait pas de fonds de départ. Avec Adrien, on se voyait de manière informelle au départ. Puis il a eu une sorte de prise de conscience face à l’importance de la nutrition. Il s’est identifié à mon projet dans sa propre quête de sens personnelle. Notre association s’est donc faite naturellement et nous avons monté la boîte en juillet 2016.

 

Vous avez donc utilisé votre complémentarité pour faire évoluer votre idée ?

Tout à fait. Nos profils sont totalement complémentaires. À l’époque, j’étais 100 % végan et j’étais le genre de consommatrice à aller en magasin bio et spécialisé. Adrien, lui, avait finalement un profil plus classique mais souhaitait aller vers une consommation plus responsable, sans pour autant entamer son plaisir. C’était donc génial d’avoir ce ping-pong entre moi, l’initiée, et lui, le petit nouveau dans l’univers végan.

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Vous avez dans votre ADN ce petit côté complètement décalé. Pourquoi ce positionnement ?

Effectivement, l’idée était de créer un concept qui nous plaisait totalement et nous animait pleinement. Or prendre plaisir passe par l’humour. C’est aussi pour cela que notre campagne de financement participative s’appelait « Par amour des boules ». Face à des géants de l’agroalimentaire qui ont des techniques de marketing poussées mais timides car drivées par la vente en masse, on voulait jouer la carte de l’insolite. On voulait transposer les techniques de communication parfois osées de l’univers start-up à l’agroalimentaire. On a créé le #momentboule par exemple. N’importe qui peut se photographier en train de manger notre snack et se retrouver sur le prochain pack. Cela crée du lien et ça nous démarque. Ce genre de démarches plaît également aux influenceurs. C’est d’ailleurs grâce à eux que notre communauté Instagram a pu grandir aussi vite. Nous avons voulu tester autre chose ces derniers temps en passant à l’affichage métro. Cela a pu être possible grâce à une petite levée de fonds réalisée auprès de business angels.

 

Justement, quelles ont été, selon vous, les grandes phases de votre développement ?

On a commencé en juillet 2016 avec trois ou quatre mois de paniers prêts à cuisiner. C’est durant cette phase que nous avons pris conscience de l’intérêt des consommateurs pour les energy balls. Nous avons aussi misé sur Instagram à ce moment-là. En novembre 2016, on a gagné un concours organisé par Franprix, se traduisant par la commercialisation de nos produits dans 50 magasins. C’est à ce moment-là que nous avons stoppé les paniers pour lancer une campagne de crowdfunding. Nous avions besoin de fonds pour trouver un labo à Paris et faire une formation hygiène obligatoire. Ainsi nous avons pu lancer nos energy balls. Nous voulions absolument comprendre les tenants et les aboutissants de l’achat, et nous avons fait le choix de livrer nous-même les magasins, sans passer par une centrale. Durant un an, nous avons galéré. Et, cerise sur le gâteau, j’avais ma deuxième année de master à mener de front ! Nous avons littéralement mis les mains à la pâte. Mais cette dépense d’énergie a porté ses fruits car nous avons doublé nos objectifs de vente. En novembre 2017, nous avons enfin externalisé notre production en déléguant une partie de cette mission à notre stagiaire ingénieure agroalimentaire de l’époque, Zoé, qui fut notre premier CDI plus tard. Cela a signé une nouvelle dynamique. Nous avons démarché d’autres enseignes. Rassurées par les chiffres chez Franprix et notre communauté Instagram croissante, elles ont accepté. Les nouveautés de cette année, toujours de nouveaux points de vente mais également la diversification de notre gamme avec des produits apéritifs et une pâte à tartiner. Enfin, nous voulons absolument renforcer notre dimension responsable, c’est pourquoi cette année, nous passons tous nos produits en bio sans changement de prix.

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Comment fonctionnez-vous avec vos producteurs ? De quelle manière gérez-vous votre approvisionnement en matières premières ?

Nous ne pouvons pas sourcer 100 % de notre production dans le sens où certains produits sont fabriqués dans un autre labo que le nôtre. Nos snacks actuels sont confectionnés dans une biscuiterie familiale de la Drôme puis sont conditionnés dans un établissement et service d’aide par le travail à Bagneux. Ce qui est véritablement génial avec notre passage au biologique, c’est que nous devenons de gros clients pour les producteurs bio français. Ce qui nous permet de tisser des liens privilégiés et de créer des partenariats de grande qualité.

 

Comment voyez-vous l’alimentation du futur ?

Nous pensons qu’il suffit de se faire plaisir pour que notre santé s’améliore. Le plaisir de manger et de partager des repas est tellement essentiel. L’alimentation fonctionnelle, celle qui remplit à coups de calories vides, est vraiment une impasse. Une alimentation plaisir est un cercle vertueux. Elle demande du temps, mais un temps bien investi. Elle tisse un lien plus fort avec ce que l’on consomme. Elle enrichit nos connaissances et nous guide vers de nouveaux apprentissages. J’imagine que l’alimentation du futur devra être authentique mais également nomade. Je la vois principalement végétale avec une dimension beaucoup plus consciente.

 

Comment avoir une alimentation plus consciente au quotidien ?

Je pense qu’il faut déjà faire l’effort de cuisiner. C’est la première étape quand on veut renouer le lien avec ce que l’on consomme. Ça enclenche un mécanisme. Nous encourageons cela et nous avons lancé un e-book gratuit de recettes pour faciliter le retour aux fourneaux à toutes les personnes qui ont pu être découragées. Ensuite, il y a des habitudes de consommation toutes bêtes à prendre comme investir dans une gourde ou une tasse nomade. Le tri est également très important. Il ne faut pas hésiter à s’informer sur le tri pour contrer toute la désinformation des industriels concernant les emballages alimentaires. Puis, ne serait-ce qu’intégrer un repas végétal de plus par semaine, cela fait déjà une différence environnementale.

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www.funkyveggie.fr

 

Retrouvez cet échange entre Camille Azoulai et Perrine Bonafos dans le volume 6 des Confettis disponible sur notre boutique.

 

Photos ©François Rouzioux