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Le Moulin Rouge : sous les jupons, la liberté

Emblématique fleuron du divertissement parisien, le Moulin Rouge célèbre cette année 135 ans d'existence consacrés par des femmes, icônes et anonymes dont le panache a érigé un mythe aux ailes écarlate. Dans le cabaret le plus illustre de la capitale, La Goulue, Mistinguett ou Doris Haug ont avivé un spectacle peut-être plus grandiose encore que la revue Féerie : celui de l'émancipation.

Le 27 février 2025

French-Cancan-©Sandie-Bertrand-Moulin-Rouge

Un bon coup de ballet

Dans un Montmartre aux portes de la Belle Époque, les pères de l’Olympia, Joseph Oller et Charles Zidler décident d’ériger « le premier palais des femmes » à l’heure où ces dernières sont encore jaugées à l’aune de leur unique labeur et pénitence. Le 6 octobre 1889, le Moulin Rouge et son monumental éléphant en stuc emprunté à l’Exposition universelle accueillent avec fanfare et démesure des épicuriens de tous bords de Seine, conciliés par le parfum de la transgression. Les classes sociales se mélangent comme bulles de champagne et perles dans ce décor fantasmagorique où les femmes dansent pour la première fois non accompagnées, jusqu’à s’en décoiffer. Parmi elles, la célèbre Louise Weber, dite La Goulue, défie la morale en soulevant ses jupons pour libérer l’énergie de son jeu de jambes dans une cascade de frous-frous. Elle popularise alors le French cancan, une danse canaille qui revendique un érotisme joyeux et bruyant, incarné par celles jusqu’alors réduites à l’état d’objet ou de ventre. Chevilles nues et irrévérence chevillée au corps, La Goulue mène la danse, immortalisée par le peintre Henri de Toulouse-Lautrec, en admiration. Bientôt elle inaugure les revues, ces spectacles courts où l’humour et la danse invitent à s’émanciper des conventions sociales et de l’ordre établi.

Le French Cancan ©Moulin Rouge
Le fameux French Cancan

Légendes : nom féminin pluriel

Depuis 135 ans, les femmes colorent le Moulin Rouge que les hommes ont imaginé en toile vierge. Après Joseph Oller et Charles Zidler, les hommes d’affaires et de spectacle se succèdent à la tête des lieux, mais ce sont bien les performeuses, les artisanes, les petites mains qui font le c(h)œur de ce théâtre hyperbolique. Colette, provocante par son esprit affranchi, marquera l’histoire de l’adresse dans sa période d’opérette par son baiser offert à sa maîtresse Mathilde de Morny lors d’une pièce presque aussitôt interdite. Après la Première Guerre mondiale et un incendie ravageur, le Moulin Rouge renaît de ses cendres grâce à Jeanne Aubert, Gina Palerme et la mythique Mistinguett. Dans le giron d’une institution toujours plus gigantesque, elles mènent la danse pour offrir à la revue de music-hall outre-Atlantique une dimension mémorable. Puis, alors que la Seconde Guerre mondiale impose à l’hédonisme une ellipse, Édith Piaf fait résonner les murs vermeils du cabaret à quelques jours de la libération de Paris en 1944. Dalida, Zizi Jeanmaire, Ella Fitzgerald, Liza Minnelli, sans oublier l’immortelle Joséphine Baker ont elles aussi, aux côtés de leurs sœurs anonymes en coulisses, panthéonisé le Moulin Rouge.

Mistinguett-revue ©Moulin Rouge
L’incroyable Mistinguett au Moulin Rouge ©Moulin Rouge

Un héritage sorore

À l’époque, c’est bien la complicité des femmes libres, réunies et solidaires au sein du Moulin Rouge, qui faisait trembler le protocole. Aujourd’hui, cet héritage d’audace affranchie prend les traits d’une nouvelle génération de performeuses honorant toujours les chorégraphies de la revue Féerie, dont la mise en scène est co-signée par la regrettée Doris Haug, maîtresse de ballet du Moulin Rouge de 1957 à 2014.

Façade Moulin Rouge - horizontale ©Philippe Wojazer - Moulin Rouge®
Plus qu’une adresse, un symbole ©Philippe Wojazer pour le Moulin Rouge®

Costumières, plumassières, brodeuses, maquilleuses, coiffeuses, coordinatrices, cheffes de rang, toutes brûlent les planches de leur virtuosité, car le Show Must Go On, dans l’émerveillement et l’opulence. Main dans la main, elles font rayonner l’aura d’un Paris avant-coureur – de jupons – qui doit beaucoup à la hardiesse de ses effrontées.

©Philippe Wojazer - Moulin Rouge
Un show visuel inégalable porté par les danseuses ©Philippe Wojazer pour le Moulin Rouge
Pirates-©-Moulin-Rouge-Marc-Millar
Parmi les tableaux, celui des Pirates qui émerveille par ses couleurs et costumes ©Marc Millar pour le Moulin Rouge

www.moulinrouge.fr

Retrouvez l’intégralité de cet article dans le Volume 17 de la revue Les Confettis.

Photo en Une par ©Sandie Bertrand pour le Moulin Rouge