Anaïs Laurent et Elissa Regnier-Vigouroux, fondatrices de NOO Paris
Les créatrices du label de lingerie et homewear NOO partagent avec nous leurs aspirations. Entrez dans un univers délicat et conscient.
Anaïs, Elissa, vous êtes les fondatrices de la marque de lingerie, maillots et homewear NOO. Comment en êtes-vous venues toutes les deux à vous associer ? Pourquoi l’univers de la lingerie vous animait particulièrement ? C’est une association qui s’est faite très naturellement entre nous. Anaïs travaillait depuis des mois sur le projet de la création d’une marque de lingerie et Elissa avait décidé de quitter son poste au chaud dans un groupe média avec l’envie de monter sa propre entreprise pourquoi pas dans le secteur de la lingerie. Une amie commune nous a présentées. Il nous aura fallu un seul café un matin de janvier 2014 pour nous associer toutes les deux pour créer NOO, une marque de lingerie qui sortait des sentiers battus et de ce que le marché de la lingerie proposait alors.
En imaginant des pièces de lingerie à travers le prisme de la sensualité et du bien-être, vous transformez les standards de ce domaine qui étaient plutôt jusque-là, orientés vers le sexy. Le point de départ était-il de créer une lingerie qui ressemble, plait et conforte celle qui la porte ? Oui exactement. On a voulu créer une lingerie qui s’adresse directement aux femmes, et qui réponde à leurs envies. Notre but, c’était de pouvoir créer des modèles qui nous parlent à toutes, avec nos envies, nos différences. Et surtout, une marque de lingerie qui offre une alternative à celles qui aiment s’amuser avec leurs vêtements, et qui n’avaient pas de terrain d’expression dans leur lingerie. Chez NOO, on mixe le lurex à l’imprimé, les dentelles aux coupes épurées. Des pièces fortes, à travers lesquelles on se sent belles, on se sent cool. Un truc à notre image en bref.
Pourquoi justement aviez-vous envie de vous adresser aux femmes ? Votre équipe est d’ailleurs 100% féminine, non ? En tant que bossladies d’une marque de lingerie, avez-vous toujours été prises au sérieux par vos confrères entrepreneurs ? La création de NOO part en tout premier lieu d’un constat personnel. Le marché ne proposait pas de marques qui s’adressent directement aux femmes. On voulait créer une alternative à ces marques historiques qui présentaient la femme à travers son corps uniquement, sans visage, dans une pose sculpturale, épiée par le regard de l’homme (je ne sais pas si vous voyez de quelle campagne nous parlons :)
En tant que femmes, on ne se retrouvait pas dans les options qui nous étaient proposées : on avait envie de frais, de pièces fortes, de matières différentes, de partis-pris osés, d’un vrai renouvellement qui correspond aussi aux aspirations des femmes d’aujourd’hui. Finalement, on s’est adressé à des femmes comme nous qui expriment des envies de renouveau. Notre équipe est en effet 100% féminine mais avec tous les âges, toutes les morphologies, beaucoup de diversité dans les parcours, les profils et on se retrouve toutes dans la marque, chacune y trouve son compte. Et par rapport à notre expérience de femmes entrepreneures, quand vous lancez une marque de lingerie, vous n’échappez pas à des blagues graveleuses ou des commentaires déplacés. Même si on espère que les mentalités vont changer de plus en plus.
Seconde observation, c’est que pour le moment les investisseurs, en très grande majorité des hommes se retrouvent souvent en difficulté pour juger de la pertinence d’un univers mode. Donc cela donne des business qui suscitent moins de confiance au départ, et ont plus à prouver. On a dû attendre d’avoir des chiffres pour convaincre. Plus difficile d’exister, je pense, par rapport à un autre business.
Quand vous échangez avec vos clientes, qu’est-ce qu’elles vous expriment ? Quels sont leurs retours face à vos créations et votre démarche ? On a la grande chance d’avoir une communauté qui nous suit depuis nos débuts et qui reste fidèle année après année. En 2020, on a pu compter sur elle alors que d’autres business ont pris la crise sanitaire de plein fouet. Cette communauté aime donner son avis que ce soit par mail, en boutique ou sur instagram ce qui est évidemment très enrichissant : on essaie au maximum de prendre en compte leurs conseils et toujours leur proposer des modèles qui leur ressemblent avec une démarche transparente sur notre fabrication, nos matières…
Où puisez-vous vos inspirations esthétiques ? Comment choisissez-vous les coupes, les tissus, les designs ? Nos inspirations sont plurielles et éclectiques. Elles peuvent venir de la ligne d’une robe des années 70, au décolleté d’une chemise ou même de l’art en général, un tableau, une chanson, une photo. Anaïs et sa team création ne puisent pas leur inspiration dans ce que propose le marché de la lingerie existant. Dans leur démarche créative, elles partent vraiment de la matière même et c’est à partir du tissu brut qu’elles imaginent des coupes associées, qui découlent sur des pièces originales et qui correspondent à la femme d’aujourd’hui. Elles empruntent aussi beaucoup au vestiaire prêt-à-porter et c’est en ça que NOO se différencie aujourd’hui. C’est d’ailleurs dans cette frontière des genres que le succès de la marque réside. Nos clientes ne se privent pas pour porter du homewear pour sortir à l’extérieur, et oser notre lingerie apparente.
Les consciences s’éclairent et nous avons de plus en plus d’appétence pour les labels qui s’engagent en faveur du respect de la planète, du vivant, des travailleurs. Quels sont vos engagements chez NOO ? Chez NOO, on s’engage vers une production plus responsable. C’est un long chemin qui se fait par étapes, mais à chaque collection, nous essayons de proposer davantage de pièces fabriquées à partir de fils recyclés. Nous avons également des gammes maillot green produites à partir de plastiques récupérés dans la Méditerranée. De façon plus globale, on essaye de limiter au maximum notre empreinte écologique en ne proposant que des packagings green, recyclés, recyclables ou compostables, et en réutilisant les fins de rouleaux de nos tissus pour de futures collections. Notre usine en Tunisie est auditée ICS (Initiative for Compliance and Sustainability) qui garantit le respect de l’environnement et le droit des travailleurs.
Enfin, depuis janvier 2020, nous avons lancé notre programme BUY FOR HER : pour tout achat chez NOO sur le site ou en boutique, une culotte est offerte à une femme dans le besoin parce que malheureusement, trop d’entre elles manquent encore cruellement de sous-vêtements neufs ou décents. C’est un engagement pour les femmes qui nous tient particulièrement à cœur et grâce auquel nous avons pu reverser cette année plus de 15 000 culottes à celles qui font aussi partie de NOO, nous les femmes.
Vous avez fait le choix d’investir Marseille et de localiser votre entreprise dans cette ville. Vous vouliez prendre vos distances vis-à-vis de la capitale ? Pas particulièrement. C’était un vrai projet personnel au tout début. Nous sommes toutes deux originaires du Sud et on avait envie d’y revenir. Finalement, on s’est dit que si nous, dirigeantes d’entreprises ne pouvions pas le faire, qui d’autre ? À l’époque nous n’avions que deux salariées qui nous ont suivies et ensuite, on a recruté sur place pour la plupart ou on a fait venir des filles avec qui on avait envie de travailler et à qui on était fières d’offrir un cadre de vie assez incroyable avec du soleil toute l’année, la mer en sortant du bureau…
Quelles sont vos ambitions pour l’année à venir ? Quels sont vos projets ? Cette année, on va garder le cap a priori et renforcer ce qu’on a mis en place en 2020. On a la chance d’être bien entourées, d’avoir une équipe formidable et donc de pouvoir vraiment consolider des projets amorcés en 2020 notamment un développement à l’international, principalement européen où on voit la demande s’accroître de jour en jour. Bref, plein de projets pour une année qu’on espère un peu plus sereine pour tous.
À suivre
Tatiana Bernard Mettil a imaginé « As a Guest »