Shanty Baehrel : Bisqueen
L’entrepreneuriat, ce n'est le pays des merveilles. Pourtant, Shanty Baehrel à trouver sa voie, en suivant les instructions d'un gâteau. Plongez dans l’histoire craquante de Shanty Biscuits.
Entrepreneu-quoi ?
Shanty Baehrel est la preuve qu’il ne faut pas se fier aux apparences. À en croire les 100 000 abonnés du compte Instagram dédié à ses Shanty Biscuits, on imaginerait la trentenaire destinée depuis ses plus jeunes années à la pâtisserie farceuse, business plan maturé et liste de podcasts autour des « bossladies » en « repeat » à chaque pause repas… et bien non. Alors qu’elle travaille à mi-temps dans une entreprise d’aéronautique, Shanty se voit offrir pour son anniversaire un tampon à biscuits sur lequel était écrit « approuvé par le chef ». La phrase est anodine mais le concept marque la future « Bisqueen ». Agacée de ne pas trouver de système permettant de personnaliser les messages à graver dans la pâte, Shanty se met à le faire elle-même dans son appartement. Il n’est alors pas question d’en faire un business mais la pertinence de ses punchlines séduit et très vite, elle doit répondre à des commandes et les faire envoyer dans toute la France. Sur son site Internet – réalisé par sa meilleure amie en échange d’une livraison spéciale pour son mariage – les demandes augmentent, obligeant Shanty à s’organiser. Celle qui soudoyait les équipes de La Poste à coup de douceurs pour court-circuiter les files d’attente a mis le doigt sur une madeleine de Proust. Le fameux petit-beurre de nos enfances dont les bords rappellent les nuages innocents, revisité à la sauce humoristique. Du message d’amour au jeu de mots, Shanty égaye les papilles tout en donnant le sourire à ses clients.
Une recette qui mettra deux ans à prendre pleinement. Deux ans, au cours desquels la passion pour son projet lui permet d’accumuler tous les renseignements dont elle a besoin pour commencer. Deux ans d’exploration, d’expérimentation, de tests peu concluants, d’autres décisifs. Deux ans à l’issue desquels la « foodie » quitte son emploi (grâce auquel elle maîtrise les bases d’une chaîne de production réduite) et décide de se lancer pleinement dans l’entrepreneuriat. Un mot long qui compte son lot de peurs et de choix, voire de peur de choisir. Shanty ne le cache pas, sans autre diplôme que le bac dans un monde où la self-made-woman s’offre le temps de prendre la pose sur Instagram, elle souffre du fameux syndrome de l’imposteur. Loin de l’univers des levées de fond et des écoles de commerces, elle regrette d’être parfois trop peu perméable aux avis de son entourage. Mais qu’à cela ne tienne, Shanty se concentre sur l’unicité de son produit et embauche petit à petit une équipe qui l’aide à mettre la main à la pâte. Shanty Biscuits prend vie en 2013. Pleuvent alors les commandes de Noël et de fêtes de fin d’année par les entreprises et particuliers. Un début prometteur qui donnera à la « Shanteam » l’occasion de se mettre en jambes pour la suite… Qui aurait cru que l’entreprise, qui compte aujourd’hui 13 salariés, un entrepôt de 820 m2 à Vitrolles et un chiffre d’affaires qui triple chaque année, débuterait par un cadeau d’anniversaire frustrant ?
Why so serious ?
Si le goût des biscuits beurrés de cette bâtisseuse termine de nous convaincre, c’est bien l’esthétique et l’arrogance de ses pâtisseries qui nous attirent au premier regard. Sur un biscuit, on peut lire « C’est bon, j’ai fait du sport hier » et sur un autre « Tu me manques p’tit con ». Une identité fondée sur l’humour et la dérision qui fait le bonheur de ses clients, heureux de pouvoir partager leurs trésors à croquer sur les réseaux sociaux. La jeune femme le sait et le revendique, Instagram est sa plus grande source de commandes. Fédérée par la gourmandise facétieuse, sa communauté fait le cœur de sa clientèle. Très peu intéressée à l’idée de devenir une référence dans le biscuit industriel, Shanty est ravie d’être proche géographiquement, et numériquement, de ceux qui se régalent de ses créations. Il est alors tout naturel que la bonne humeur authentique et contagieuse de la cheffe d’entreprise inspire sa communication et ses douceurs. Pour autant, Shanty prend son quotidien très au sérieux. Avec cadence, elle découpe son temps entre ses bureaux parisiens où elle gère l’organisation d’opérations commerciales et le marketing de la marque et l’entrepôt dans le sud de la France où elle chapeaute le recrutement, les plannings, etc. Un rythme qui a l’inconvénient de lui faire sans cesse reporter ses vacances et pas que… Il y a quelques années, Shanty confiait courir après le temps : « Je ne m’identifie pas vraiment aux autres femmes entrepreneuses, celles qui disent avoir des moments pour elles… Moi, c’est un peu le chaos dans ma vie ! Cela fait 5 ans que j’ai lancé Shanty Biscuits, je n’ai pas de copain et je n’ai même pas envie d’en avoir. J’assume, Shanty Biscuits c’est ma vie, elle n’est pas du tout équilibrée mais c’est ce qui me va pour le moment ».
Aujourd’hui les Shanty Biscuits sont plébiscités dans de nombreux restaurants et hôtels, ils sont également de la fête lors d’évènements et collaborations avec de prestigieuses marques (Air France, SNCF, Galeries Lafayette). Et même si jusqu’à 15 000 biscuits sont préparés tous les jours dans les cuisines de la marque, elle tord le cou aux idées reçues en disant qu’elle est heureuse de faire ce qu’elle aime sans gagner plus que ses employés : « Je n’ai pas le plus gros salaire de la boîte. Je préfère que mes salariés viennent avec le sourire, ça me va très bien comme ça. » En trouvant la recette qui lui convenait loin des manuels, Shanty Baehrel nous prouve qu’il n’y a pas un chemin, mais de multiples circuits pour accéder à ses envies.
Quelques chiffres
2013, année de lancement de Shanty Biscuits par Shanty Baehrel.
91 300, le nombre d’abonnés Instagram au compte @shantybiscuits.
Entre 5 000 et 15 000 Shanty Biscuits sont préparés chaque jour.
Plus d’un million d’euros, il s’agit du chiffre d’affaires de Shanty Biscuits en 2019.
Retrouvez le portrait de Shanty Baehrel dans le Volume 8 des Confettis,
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À suivre
Jojo Factory par Vanessa Naudin Denicourt